ENTRÉE CCXXII
05-10-2016
RÉFLEXION
Je commence, je crois, à me sortir d'une brume pesante, grise foncée qui m'accable depuis trois jours. Pendant cette période mon corps a lâché, la fatigue m'a envahi et le moral positif m'a fait défaut. Pourquoi? Qu'est-ce qui s'est passé ?
Si je fais un peu de recul je peux constater que la veille de la brume, dimanche, j'ai pris connaissance de l'article de Mme Josée Blanchette, journaliste du Devoir, dont j'ai parlé dans cette chronique, (d'ailleurs plus bas je vous ajouterai la réplique de la part de plusieurs oncologues). Il est vrai que cette chronique m'a rentré dedans comme à chaque fois que je lis ou que l'on me parle négativement contre la chimio. Ou encore que l'on parle des cancers comme impossibles à guérir. On s'entend, si je reprends un exemple de Mme Blanchette, que si un homme est en rémission pendant 22 ans on peut parler de guérison. Mais dans ce cas ci, ma réaction à cet article a été beaucoup plus forte que d'habitude. J'en pleure depuis.
Il serait donc facile de dire que mon état des derniers jours est lié à un certain bris psychologique et mon corps en a subi les conséquences suite à la lecture de cet article. Ce serait possible, je ne veux pas l'éliminer comme fait, mais je vais un peu plus loin dans ma réflexion (enfin je pense). La veille de cet article j'ai aussi publié une entrée dans mon blog qui portait sur la tension. La prise de conscience que je venais de faire cette journée là, alors que je me suis observé à attendre Nycole dans l'auto de façon très tendue. Mon hypothèse est que cette prise de conscience a fait monter à la surface tout ce que mon corps, ma tête et mon âme a enduré depuis plus d"un an. Cette prise de conscience m'a vraiment fait peur. Parce que c'est une conviction personnelle que certains cancers ont parfois à leur source la psyché. Donc si je suis si tendu, c'est comme si tous mes efforts pour combattre ARNOLD à date seraient futiles car cette tension aurait un impact insoupçonnée sur mon cancer. Je sais intellectuellement que ce n'est pas tout à fait le cas, mais émotivement cela s'ancre facilement en moi.
Alors l'article de Blanchette est venu s'ajouter à cette réflexion inconsciente et m'a porté à mettre en doute tout ce que j'avais fait à date. Le fait que mon corps ne me portait plus, m'amenait à me demander si je devais tout arrêter mes traitements et juste vivre pleinement le temps qu'il me reste. Encore plus de tension et de confusion. c'était trop. Ce genre de remise en question a des effets extrêmement nocifs sur le oral et donc sur le corps et peut-être sur mon cancer.
Alors la brume c'est installée. lourde, sombre, agressante, écrasante. Elle m'a vraiment handicapée. Je n'arrivais pas à la secouer. Les larmes coulaient à rien, je n'avais aucune énergie. Alors je crois que la prise de conscience de la tension ajouté à cet article (et d'autres semblables dont j'ai pris connaissance) a causé mon état. Si c'est le cas cela voudrait donc dire que c'est réversible. Je pensais qu'aujourd'hui j'y arriverais, mais non pas vraiment. Mais je suis déterminé à me mobiliser demain et quitter mon fauteuil. J'espère y arriver.
Comprenant un peu plus ce qui s'est passé, je pense que je serai capable de laisser mon intellect prendre le dessus du partenariat avec mes émotions (sans les nier évidemment). Comment y arriver ? Bien je vais tenter quelques initiatives: premièrement je ne lirai plus ce genre d'article, donc merci de ne plus me les faire parvenir; aussi j'essaierai de prendre plus de temps chaque jour pour faire des exercices de relaxations, visualisations, méditations (comme quand je vais à l'acupuncture par exemple); aussi j'ai communiqué avec CANCER CANADA pour trouver une personne formée, et qui connais bien les cancers, avec qui je pourrais partager ce que je vis; aussi je vais tenter de faire ce que j'ai le goût de faire et non ce que mon entourage souhaite que je fasse. Je reconnais rapidement que ce n'est pas la faute de mon entourage, mais le mien. Je suis fait ainsi. Je souhaite que ces quelques initiatives, si maintenues, m'éviteront ce genre de léthargie physique et psychique.
MERCI LA VIE !
Réponse à Josée Blanchette publiée dans la PRESSE + d'hier.
OPINION
Anecdotes et fausses perceptions
En réponse à la journaliste Josée Blanchette et à ses propos tenus à l’émission Tout le monde en parle diffusée dimanche, sur les ondes de Radio-Canada
Denis Soulières Hémato-oncologue, CHUM et 11 autres signataires.
L’anecdote est une belle façon d’accrocher, même si elle n’est pas appuyée. Elle fait image et laisse dans l’esprit des perceptions qui peuvent être fausses et qui s’imprègnent longtemps… Nul ne remet en doute que la chimiothérapie ne donne pas un avantage à toute personne qui en reçoit, mais de prétendre que toute chimiothérapie est une supercherie constitue une mésinformation qui ne peut être laissée sans réplique.
La médecine, comme le système de santé, obéit à des principes fondateurs, visant à donner plus de vie, à ajouter de la santé et à fournir du bien-être. Mais aucune mesure n’est capable de fournir tout ceci à tous les individus qui souffrent dans la société. Aucune.
À l’instar de l’oncologie pédiatrique qui a su, en 40 ans, guérir plusieurs pathologies cancéreuses, bien qu’au prix d’effets secondaires non négligeables et de complications à long terme, l’oncologie adulte vise à fournir une survie prolongée à ceux qui sont atteints d’un cancer.
Cessons d’ailleurs de parler DU cancer, parce que ce sont DES cancers bien différents qui sont diagnostiqués chaque jour. Cette première généralisation empêche déjà de faire des distinctions nécessaires. Et l’offre de traitement qui est faite est généralement basée sur des études qui ont permis de prouver que pour une population de patients ayant des pathologies comparables, la majorité auront un avantage, et ce malgré et en tenant compte des effets toxiques aigus et chroniques potentiels qui peuvent réduire l’espérance de vie. Mais devant un patient, prédire que le traitement aura les effets positifs attendus et quels effets secondaires il pourrait expérimenter demeure impossible pour la plupart des cas.
Cependant, depuis 10 ans, les avancées en génétique ont ouvert la porte à une individualisation des traitements, favorisant une prédiction de la réponse adéquate de la pathologie cancéreuse et des effets secondaires qui pourraient survenir. Ces avancées sont encore bien préliminaires, mais elles sont un espoir qui n’existe que par le financement des soins oncologiques généraux et de la recherche. D’ici à ce que toutes les attentes de la recherche s’avèrent, plusieurs patients continueront à avoir un diagnostic de cancer et à subir des moments d’angoisse, mais aussi d’espoir.
Mme Blanchette semble avoir oublié de mentionner tous ceux qui ont fait le choix d’opter pour la chimiothérapie en toute connaissance de cause, avec le désir de vivre plus longtemps et l’ambition d’une qualité de vie préservée, voire améliorée.
Et les médicaments qui sont offerts le sont sur la base d’études solides, révisées par les autorités de la santé fédérale et provinciales. Il n’y a pas ici de lobby, de corporatisme, de collusion contre le bien-être des patients.
Par contre, il est vrai que le système de santé ne permet pas toujours une approche globale et intégrée des soins aux patients, faute de ressources. Et il est aussi vrai que dans certaines circonstances, l’organisation des soins a plus d’impact que de simplement ajouter des médicaments. Mais de prétendre que la chimiothérapie ne donne rien, est un jugement personnel qui ne peut être généralisé.
LE CHOIX DES TRAITEMENTS
Chaque oncologue a des patients qui ont refusé des traitements pour des raisons personnelles ou pour lesquels la discussion sur les options de traitement aura permis de dégager que les risques pour cet individu sont supérieurs aux bénéfices attendus. Sur la base des connaissances du médecin, de son évaluation du patient, des traitements que le gouvernement rend disponibles, il donne une opinion qu’il espère la plus éclairée possible pour le patient. Bien sûr, cette opinion influence souvent le patient, qui n’a jamais eu une telle décision à prendre et se sent mal outillé pour la prendre. Et l’oncologue qui donne son opinion espère que le choix du patient apportera plus d’avantages que d’inconvénients. Ce n’est pas toujours le cas, malheureusement.
Par contre, il y a des exemples qui font aussi image, comme celle d’une mère qui aura survécu pour voir son fils obtenir son diplôme universitaire, pour voir sa fille donner naissance à un enfant, ou encore celle d’un jeune homme traité il y a 10 ans avec de faibles chances de succès, qui a choisi le risque, et qui revient en suivi à l’hôpital avec son deuxième enfant… Comme oncologue, c’est cette image qui nous permet de continuer à traiter chaque jour.
L’anecdote peut servir les deux camps. Ainsi, pour débattre calmement des décisions sociales prises en ce qui a trait à la médecine et à l’oncologie spécifiquement, il faut tout présenter, tout regarder et justifier à la lumière de données réelles ou d’une opinion que l’on espère la plus experte possible. C’est ainsi que les patients seront mieux servis.
– Francine Aubin, Karl Bélanger, Normand Blais, Danielle Charpentier, Stéphane Doucet, Marie Florescu, Rahima Jamal, Bernard Lemieux, Harold J Olney, Mustapha Tehfé, Louise Yelle, hématologues et oncologues médicaux, CHUM
OPINION
Anecdotes et fausses perceptions
En réponse à la journaliste Josée Blanchette et à ses propos tenus à l’émission Tout le monde en parle diffusée dimanche, sur les ondes de Radio-Canada
Denis Soulières Hémato-oncologue, CHUM et 11 autres signataires.
L’anecdote est une belle façon d’accrocher, même si elle n’est pas appuyée. Elle fait image et laisse dans l’esprit des perceptions qui peuvent être fausses et qui s’imprègnent longtemps… Nul ne remet en doute que la chimiothérapie ne donne pas un avantage à toute personne qui en reçoit, mais de prétendre que toute chimiothérapie est une supercherie constitue une mésinformation qui ne peut être laissée sans réplique.
La médecine, comme le système de santé, obéit à des principes fondateurs, visant à donner plus de vie, à ajouter de la santé et à fournir du bien-être. Mais aucune mesure n’est capable de fournir tout ceci à tous les individus qui souffrent dans la société. Aucune.
À l’instar de l’oncologie pédiatrique qui a su, en 40 ans, guérir plusieurs pathologies cancéreuses, bien qu’au prix d’effets secondaires non négligeables et de complications à long terme, l’oncologie adulte vise à fournir une survie prolongée à ceux qui sont atteints d’un cancer.
Cessons d’ailleurs de parler DU cancer, parce que ce sont DES cancers bien différents qui sont diagnostiqués chaque jour. Cette première généralisation empêche déjà de faire des distinctions nécessaires. Et l’offre de traitement qui est faite est généralement basée sur des études qui ont permis de prouver que pour une population de patients ayant des pathologies comparables, la majorité auront un avantage, et ce malgré et en tenant compte des effets toxiques aigus et chroniques potentiels qui peuvent réduire l’espérance de vie. Mais devant un patient, prédire que le traitement aura les effets positifs attendus et quels effets secondaires il pourrait expérimenter demeure impossible pour la plupart des cas.
Cependant, depuis 10 ans, les avancées en génétique ont ouvert la porte à une individualisation des traitements, favorisant une prédiction de la réponse adéquate de la pathologie cancéreuse et des effets secondaires qui pourraient survenir. Ces avancées sont encore bien préliminaires, mais elles sont un espoir qui n’existe que par le financement des soins oncologiques généraux et de la recherche. D’ici à ce que toutes les attentes de la recherche s’avèrent, plusieurs patients continueront à avoir un diagnostic de cancer et à subir des moments d’angoisse, mais aussi d’espoir.
Mme Blanchette semble avoir oublié de mentionner tous ceux qui ont fait le choix d’opter pour la chimiothérapie en toute connaissance de cause, avec le désir de vivre plus longtemps et l’ambition d’une qualité de vie préservée, voire améliorée.
Et les médicaments qui sont offerts le sont sur la base d’études solides, révisées par les autorités de la santé fédérale et provinciales. Il n’y a pas ici de lobby, de corporatisme, de collusion contre le bien-être des patients.
Par contre, il est vrai que le système de santé ne permet pas toujours une approche globale et intégrée des soins aux patients, faute de ressources. Et il est aussi vrai que dans certaines circonstances, l’organisation des soins a plus d’impact que de simplement ajouter des médicaments. Mais de prétendre que la chimiothérapie ne donne rien, est un jugement personnel qui ne peut être généralisé.
LE CHOIX DES TRAITEMENTS
Chaque oncologue a des patients qui ont refusé des traitements pour des raisons personnelles ou pour lesquels la discussion sur les options de traitement aura permis de dégager que les risques pour cet individu sont supérieurs aux bénéfices attendus. Sur la base des connaissances du médecin, de son évaluation du patient, des traitements que le gouvernement rend disponibles, il donne une opinion qu’il espère la plus éclairée possible pour le patient. Bien sûr, cette opinion influence souvent le patient, qui n’a jamais eu une telle décision à prendre et se sent mal outillé pour la prendre. Et l’oncologue qui donne son opinion espère que le choix du patient apportera plus d’avantages que d’inconvénients. Ce n’est pas toujours le cas, malheureusement.
Par contre, il y a des exemples qui font aussi image, comme celle d’une mère qui aura survécu pour voir son fils obtenir son diplôme universitaire, pour voir sa fille donner naissance à un enfant, ou encore celle d’un jeune homme traité il y a 10 ans avec de faibles chances de succès, qui a choisi le risque, et qui revient en suivi à l’hôpital avec son deuxième enfant… Comme oncologue, c’est cette image qui nous permet de continuer à traiter chaque jour.
L’anecdote peut servir les deux camps. Ainsi, pour débattre calmement des décisions sociales prises en ce qui a trait à la médecine et à l’oncologie spécifiquement, il faut tout présenter, tout regarder et justifier à la lumière de données réelles ou d’une opinion que l’on espère la plus experte possible. C’est ainsi que les patients seront mieux servis.
– Francine Aubin, Karl Bélanger, Normand Blais, Danielle Charpentier, Stéphane Doucet, Marie Florescu, Rahima Jamal, Bernard Lemieux, Harold J Olney, Mustapha Tehfé, Louise Yelle, hématologues et oncologues médicaux, CHUM
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