ENTRÉE CCCLXI
12-101-2018
MELIMELO
Il me semble qu'il y a longtemps que je n'ai pas écrit une entrée MELIMELO. C'est à dire qui comporte plusieurs sujets. Je commence celui-ci après plusieurs jours d'absence de mon blogue. La dernière entrée parlait de ma mère et de mon deuil. J'ai pris un temps d'arrêt principalement parce que je souffrais beaucoup. Cependant grâce à la morphine que je dose un peu mieux, je me sens moins abattu par la douleur et j'ai donc plus d'énergie et d'intérêt. Ce qui en soit me déçoit parce que cela me confirme que je donnais trop de pouvoir à ma douleur. Mais bon je suis aussi en apprentissage. Aujourd'hui dans la Presse, un article du Dr Gordon, chirurgien devenu patient, explicitait très bien que devenir patient était tout un apprentissage pour celui qui croyait comme médecin avoir toutes les réponses. Parfois je me sens comme cela. Non pas que je croyais avoir toutes les réponses, mais celles que j'ai sont plus facile à proposer aux autres qu'à mettre en pratique moi même.
CONSENTIR:
Voilà un sujet qui est venu sur le tapis lors d'une visite d'un ami et collègue récemment. Nous parlions d'accepter, le fameux ACCEPTER. Son épouse est décédée du même cancer que moi. Nous avons convenu du mot consentir plutôt que d'accepter. Cela fait toute une différence n'est-ce pas ? Je consens à ce que la vie m'envoie, je consens que je dois vivre cela, je consens au fait que j'en ai assez enduré et que le temps est venu de cesser les traitements. J'y consens. Dans ce sens que je le reconnais, je l'observe, je le sens dans mon corps, ma tête, mon coeur et je ne m'y oppose pas. Non seulement je ne m'y oppose mais je fais avec. Je CHOISIS de faire avec. CONSENTIR nous met dans un état de plus grande liberté, enfin la liberté que j'ai de choisir. On ne choisit pas ce qui nous arrive, mais on peut choisir comment on va le vivre. Dans mon cas je consent de plus en plus au fait que mes traitements n'apportaient plus rien; je consent de plus en plus au fait que mes douleurs doivent être soulagées car elles ne me quitteront plus; je consent de plus en plus au fait que les miens auront de la peine un jour (plus que déjà) et qu'il faut profiter de chaque occasion pour créer de beaux souvenirs. Sur ces choses j'ai ce seul contrôle que me donne le CONSENTIR. Je peux faire des choix pour soulager ma douleur, pour créer des occasions, pour vivre jusqu'à ma mort. Ça personne ne peut me l'enlever !
VISITES ET SORTIES
Après plusieurs jours souffrant et incapables de sortir je dois dire que j'apprécie énormément les visites que je reçois. Fidèlement mon chum Siméon vient dîner avec moi tous les mardis. Quand je me sens bien nous sortons, mais quand ça ne va pas comme la semaine dernière on s'organise un petit lunch à la maison. Ces moments sont précieux avec mon ami de plus de trente ans. Parfois on parle de tout et de rien, parfois on aborde des sujets plus délicats, plus sérieux et ma foi plus pertinents à ce que l'on vit ensemble. Toujours il écoute et moi je parle. Quand je suis chanceux j'écoute ce qu'il me partage. Toujours des moments à chérir précieusement. Et qui plus est, Francine son épouse, est aussi une amie et une personne importante dans ma vie, et qui plus encore plus c'est que nous sommes inséparables depuis plus de 30 ans comme couple. Ils sont nos poteaux, notre solidité à travers tout ce que nous vivons, avec qui les convenances sont devenues de moins en moins importantes dans nos vies. Ils sont là, toujours là, généreux, disponibles et aimants. Sans eux.... ah je n'ose y penser.
La semaine dernière donc j'ai eu la visite de Siméon mardi et Robert mercredi. Quel plaisir de retrouver Robert qui vit depuis plus d'un an le deuil de son épouse. Pas de temps perdu , on se dit les vraies affaires, on pleure et on rit ensemble. Une belle Visitation qui remplit mon coeur de chaleur. Jeudi c'est mon frère Ron qui vient me chercher, refusant que je le rejoigne à mi-chemin, pour me sortir à l'un de mes restos préférés à Laval. Ron fidèle à prendre des nouvelles, à venir me voir et à m'aider à me sentir important. Oui oui vous avez bien lu, c'est ce que font ces visites, ces prises de nouvelles, ces comment vas-tu ce jour, ils nous aident à nous sentir en VIE et important à quelqu'un. Et avec Ron le temps des larmes est passé et, comme il a toujours fait, il me fait rire et rire encore. C'est aussi ça être vivant, c'est à dire dépassé la maladie, le malade et reconnaître la vie qui court. Avec Ron j'ai toujours eu ce plaisir de rire, il est une des personnes les plus drôles que je connaisse (après mon fils HUMORISTE Matthieu Pepper qui se produit au BORDEL COMÉDIE CLUB, pour une troisième supplémentaire, le 12 mars si vous voulez le voir, en plus j'y serai).
Et vendredi, sortie avec ma soeur et mon beau-frère qui nous invitaient Nycole te moi à un nouveau restaurant à Laval qui pourrait devenir un de mes favoris aussi, INDUSTRIA au carrefour. Avec eux, ma soeur et mon beau-frère, c'est la nudité, rien n'est caché entre nous, on se dit les vraies affaires et on vit les vraies émotions. C'est pas pour dire que je ne suis pas vrai avec les autres, moi je suis moi. Mais la relation privilégiée que nous avons les deux couples ensemble est un réel cadeau de VIE. Au coeur de notre relation la mort est toujours présente, cela parle de combien la VIE se bat pour que nous restions ensemble encore longtemps. Quand je dis la mort est présente je veux dire que la peur de se perdre est toujours là, mais ne nous paralyse pas au contraire, elle nous dynamise, elle nous propulse dans et vers la VIE. Avec eux on pleure, on rit, on re-pleure mais aussi on échange réciproquement sur nos vies, sur la vie, sur la mort. Ma soeur est triste de savoir qu'elle me perdra, je pense que je peux dire qu'elle est inconsolable, Oh je sais que plusieurs personnes sont tristes, moi de même évidemment, mais ma soeur qui est généralement assez réservée sur ses émotions, ne les contient plus, elles débordent à chaque rencontre et cela me touche beaucoup. Quel signe d'amour, si j'en avais besoin d'un. il n'y en a pas de plus grand. Quand nous les quittons, les quatre en larmes souvent, parfois contenues parfois moins, il y a toujours comme une bataille entre un sentiment de plénitude en moi et un sentiment d'abandon. Heureux et privilégié que ces deux personnes aient été et sont encore sur ma route.
Dimanche, la visite de trois de nos enfants pour un dîner cinq étoiles nous a comblé de joie! Je sais à quel point chacune des ces rencontres peut être pénible pour eux (comme pour moi) car là aussi la VIE menacée se fait sentir. J'avoue qu'ils et elles sont bien habiles à tout cacher. Me connaissant bien, ils savent à quel point je me sens coupable de leur causer, bien involontairement, cette peine et tristesse que la maladie apporte et mon éventuelle mort apportera. Sans mes enfants, sans ma tribu Nycole et moi ne passerions pas au travers. Ce qui me rend le plus heureux en ce moment c'est de voir que chacune et chacun de nos enfants continuent de vivre et de rire. Ne niant pas la peine ressentie ou anticipée, mais reconnaissant que la VIE est toujours là et elle mérite d'être célébrée. Je suis tellement fier de chacun de mes enfants. Ils ont, chacun à leur façon, relevé le défi de la vie avec détermination.
SOINS PALLIATIFS ET CHAPELET
Quelqu'un me disait récemment "quand j'ai lu soins palliatifs dans ton courriel je n'ai pas aimé cela". Moi j'ai passé 20 ans de ma vie aux soins palliatifs comme intervenant donc l'expression est devenu un peu routinier pour moi. Aussi, à cause de cette expérience, au lieu de souligner la mort imminente, pour moi elle signifie plutôt soulagement de la douleur. Mais son commentaire m'a permis de prendre conscience que pour moi le fait qu'on m'a transféré en "soins palliatifs" à domicile cela a diminué d'une certaine façon le fardeau que je portais de prendre des décisions, de ne pas savoir où j'allais, de penser au prochain traitement ou protocole, une suite sans fin de réflexions ou décisions à prendre qui deviennent maintenant obsolètes. Soulagement d'un fardeau je dirais. Là je sais où, je vais. J'ai peu de décisions à prendre. Les plus importantes sont déjà toutes prises. Oufff. C'est fou à dire, non c'est bête à dire, mais le transfert au mode "soins palliatifs" me rend le quotidien plus léger. Aieeee je n'aime pas penser cela, encore moins l'écrire, mais c'est ça. Pas réfléchi plus que cela pour le moment.
Mon quotidien est devenu temps de préparation et non plus de combat. Ah ce damné mot ! Évidemment je me bat toujours pour rester fidèle à mon objectif de ne pas mourir avant d'être mort, mais honnêtement je ne le vis plus comme une bataille, plutôt comme un consentement. Je consent à vivre tout ce que je peux vivre, du mieux que je puisse le vivre jusqu'à ce qu'il n'y est plus de vie ! Ma vie je la vois plus actuellement comme un ruisseau qui se rend lentement vers la rivière qui l'attend patiemment pour l'amener au fleuve qui le conduira un jour à l'océan de la VIE! Tout me semble plus lent: mon rythme, mes pensées, mes actions, mes paroles (sic), mes attentes, même tomber endormi me prend plus de temps haha.
On dirait que je me sens comme Nycole quand l'accouchement approchait d'un de nos enfants en particulier. Je me souviens elle était sereine, calme, ralenti (par le surpoids sans doute) mais quand même. Et le matin même elle s'est levé à bonne heure, a pris son bain, a préparé ses choses et est venu me réveiller pour me dire bien calmement qu'elle pensait que nous devrions quitter pour l'hôpital. Cela m'avait frappé. Et honnêtement je suis frappé par ce lien que je fais en ce moment. Il est temps que je m'arrête je crois.
Ah oui le chapelet ! Depuis quelques semaines, un chapelet que Matthieu m'a remis cet été, est devenu le compagnon de mes nuits. Je le tiens en main, parfois pour réciter quelques dizaines et parfois juste pour l'avoir en main seulement. Je le retrouve à mon réveil. À chaque fois je pense à ma mère qui récitait deux chapelets par jour. Je l'agaçait parfois en lui disant qu'elle devait en commettre des péchés pour en dire deux par jour. Je la sens présente au moment où je prend le chapelet. Pourquoi le chapelet ? Pour le moment je n'ai pas la réponse à cette question, que des hypothèses.
CONCLUSION
Robert m'a partagé cette citation de Imre Kertèz : " J'ai compris que le bonheur, mon bonheur, est le contraire de la facilité. Le bonheur, mon bonheur, est la légèreté du fardeau." Je l'avais déjà lu sans en saisir toute la profondeur. Il m'a partagé que pour lui il a compris qu'il trouverait son bonheur en allégeant le fardeau de sa douce aux prises avec la maladie. Alléger le fardeau, cela me plaît et rejoint la parole d'évangile dans Matthieu 11, 28-30: Venez
à moi, vous tous qui peinez sous le poids du fardeau, et moi, je
vous procurerai le repos. Prenez sur vous mon joug, devenez
mes disciples, car je suis doux et humble de cœur, et vous trouverez le
repos. Oui, mon joug est facile à porter, et mon
fardeau, léger.
Cette citation et cette Parole de Vie me confirme dans mon désir de tenter d'alléger le fardeau des miens en demeurant à l'écoute de leurs besoins. Ne niant pas les miens mais consentant , lorsque je le peux, à prioriser les leurs. Et je remercie toutes les personnes qui participent à l'allègement de notre fardeau à Nycole et moi de maintes façons. Vous êtes porteuses et porteurs d'évangile.
2e CONCLUSION
Clairement quand j'écris une entrée de mon blogue le jour, j'ai trop d'énergie et cela devient interminable. Aux lectrices et lecteurs encore présents à ce stade ci je suis désolé et je vous félicite haha.
MERCI LA VIE !