ENTRÉE CCCXV
30-06-2017
BANDÉE
- Ouin tu laisses de côté ta pudeur habituelle ?
Hahaha tu as mal saisi mon titre, tu n'as pas vue le deuxième E ? Je ne parle pas de mon anatomie espèce de voyeur! Non je parle de ma nouvelle compagne et j'ai nommé ma bande herniaire. Bien oui depuis quelques jours j'apprivoise le port d'une bande herniaire, qui sert a retenir quoi - disons le ensemble - oui oui mon hernie "parastomiale" (j'invente le mot). Donc je suis bandé à la journée longue ( I wish) avec cette large bande qui serre mon gabarit imposant (mais qui diminue quand même) et qui empêche l'hernie de grossir. Ainsi on diminue le risque de coincer plus mon intestin. Alors je crois que je vais la nommer BANDÉE... hahaha.
- Ouin tu es en forme ce soir ?
C'est plutôt de cela dont je veux écrire. En effet suite à une période lourde de brouillard formé de tristesse, de déprime, de peurs, etc... on dirait que, contraire à la température extérieure, le soleil fait son apparition dans mon coeur et dans ma tête. Je me sens beaucoup plus léger, moins déprimé et moins envahi d'émotions. C'est comme si, tel un brouillard qui se dissipe dès l'apparition du soleil, tout s'est éclaircie et je revois la beauté du quotidien. Certainement que quand le brouillard est lourd et épais le soleil nous apparaît plus éclatant et éblouissant. En ce moment la vie m'apparaît si belle.
- Comment expliques-tu ce revirement ?
La grâce d'état ! Je le reçois comme un cadeau de Dieu et je ne questionne pas. Faut croire que ma réceptivité est plus grande, mon antenne reçoit bien les ondes divines. Il faut dire que ma crainte d'une occlusion intestinale est réduite étant donné que la médication semble fonctionner. Mais aussi je pense honnêtement que je commence à apprivoiser l'IDÉE de la mort qui s'en vient. Je ne baisse pas les bras, au contraire, mais en même temps je regarde la réalité en face et comprend que le médecin tente de me préparer pour l'inévitable. Souhaitons qu'elle se trompe, mas ce serait irresponsable de ne pas se préparer. On dirait que, pour le moment, j'apprécie chaque jour comme un cadeau et j'accueille la vie de façon plus dégagée.
- Penses-tu conserver ce bien être ?
Je le souhaites ardemment. Mais s'il y a une chose que j'ai apprise depuis le début de mon cheminement avec ARNOLD c'est que chaque jour apporte ses défis et chaque jour sollicite mes aptitudes à y faire face. Parfois c'est plus facile, parfois c'est plus difficile. Je ne cherche pas à contrôler autant que je cherche à accueillir ce qui est. Quand je suis dans le contrôle c'est plus difficile, mais quand je suis dans l'accueil je le vis comme maintenant avec plein de soleil et de reconnaissance. Alors mon souhait et mon espérance est que je reste dans l'accueil pour le temps qui me reste, en souhaitant qu'il soit encore long.
- C'est une dimension spirituelle ?
Je le crois oui. Je demande à Dieu de me donner le courage de demeurer fidèle à mon désir de vivre ma mort et non mourir ma vie. Je le répète constamment JE NE VEUX PAS MOURIR AVANT D'ÊTRE MORT. J'en ai trop vu dans mon travail, des patients abandonnés avant le temps. Je crois que j'ai une "obligation" par respect pour le don de la vie de tout faire pour demeurer VIVANT le plus longtemps possible. Comprenons-nous, demeurer VIVANT dans le sens de profiter de la vie à plein avec toutes les limites et tous les défis que ma condition m'impose. Je ne suis pas un surhomme et je ne cherche pas à l'être surtout. Je ne veux pas étirer ma vie à tout prix. Mais je me dois de la VIVRE tant que je l'ai. Mes convictions religieuses et spirituelles et mon expérience auprès des grands malades m'invitent à un grand respect pour la vie et autant la fin de vie.
- Dirais-tu que tu es serein ?
Oufff j'hésite presque de répondre pour ne pas tenter le sort. En tout cas, grâce à Dieu, pour le moment je me sens bien physiquement et moralement. Il y a une quête de sérénité qui semble trouver un nid douillet en moi pour le moment. Je ne me fais pas d'illusion il y aura d'autres temps de brouillard, mais mon espérance est que je me souviendrai à ce moment là, qu'après les nuages vient le soleil.
MERCI LA VIE !