vendredi 30 juin 2017

ENTRÉE CCCXV(315) - BANDÉE

ENTRÉE CCCXV
30-06-2017
BANDÉE

  • Ouin tu laisses de côté ta pudeur habituelle ?
Hahaha tu as mal saisi mon titre, tu n'as pas vue le deuxième E ? Je ne parle pas de mon anatomie espèce de voyeur!  Non je parle de ma nouvelle compagne et j'ai nommé ma bande herniaire. Bien oui depuis quelques jours j'apprivoise le port d'une bande herniaire, qui sert a retenir quoi - disons le ensemble - oui oui  mon hernie "parastomiale" (j'invente le mot). Donc je suis bandé à la journée longue ( I wish) avec cette large bande qui serre mon gabarit imposant (mais qui diminue quand même) et qui empêche l'hernie de grossir. Ainsi on diminue le risque de coincer plus mon intestin. Alors je crois que je vais la nommer BANDÉE... hahaha.
  • Ouin tu es en forme ce soir ?
C'est plutôt de cela dont je veux  écrire. En effet suite à une période lourde de brouillard formé de tristesse, de déprime, de peurs, etc... on dirait que, contraire à la température extérieure, le soleil fait son apparition dans mon coeur et dans ma tête. Je me sens beaucoup plus léger, moins déprimé et moins envahi d'émotions. C'est comme si, tel un brouillard qui se dissipe dès l'apparition du soleil, tout s'est éclaircie et je revois la beauté du quotidien. Certainement que quand le brouillard est lourd et épais le soleil nous apparaît plus éclatant et éblouissant. En ce moment la vie m'apparaît si belle.
  • Comment expliques-tu ce revirement ?
La grâce d'état ! Je le reçois comme un cadeau de Dieu et je ne questionne pas. Faut croire que ma réceptivité est plus grande, mon antenne reçoit bien les ondes divines. Il faut dire que ma crainte d'une occlusion intestinale est réduite étant donné que la médication semble fonctionner. Mais aussi je pense honnêtement que je commence à apprivoiser l'IDÉE de la mort qui s'en vient. Je ne baisse pas les bras, au contraire, mais en même temps je regarde la réalité en face et comprend que le médecin tente de me préparer pour l'inévitable. Souhaitons qu'elle se trompe, mas ce serait irresponsable de ne pas se préparer. On dirait que, pour le moment,  j'apprécie chaque jour comme un cadeau et j'accueille la vie de façon plus dégagée.
  • Penses-tu conserver ce bien être ?
Je le souhaites ardemment. Mais s'il y a une chose que j'ai apprise depuis le début de mon cheminement avec ARNOLD  c'est que chaque jour apporte ses défis et chaque jour sollicite mes aptitudes à y faire face. Parfois c'est plus facile, parfois c'est plus difficile. Je ne cherche pas à contrôler autant que je cherche à accueillir ce qui est. Quand je suis dans le contrôle c'est plus difficile, mais quand je suis dans l'accueil je le vis comme maintenant avec plein de soleil et de reconnaissance. Alors mon souhait et mon espérance est que je reste dans l'accueil pour le temps qui me reste, en souhaitant qu'il soit encore long.
  • C'est une dimension spirituelle ?
Je le crois oui. Je demande à Dieu de me donner le courage de demeurer fidèle à mon désir de vivre ma mort et non mourir ma vie. Je le répète constamment JE NE VEUX PAS MOURIR AVANT D'ÊTRE MORT.  J'en ai trop vu dans mon travail, des patients abandonnés avant le temps. Je crois que j'ai une "obligation" par respect pour le don de la vie de tout faire pour demeurer VIVANT le plus longtemps possible. Comprenons-nous, demeurer VIVANT dans le sens de profiter de la vie à plein avec toutes les limites et tous les défis que ma condition m'impose. Je ne suis pas un surhomme et je ne cherche pas à l'être surtout. Je ne veux pas étirer ma vie à tout prix. Mais je me dois de la VIVRE tant que je l'ai. Mes convictions religieuses et spirituelles et mon expérience auprès des grands malades m'invitent à un grand respect pour la vie et autant la fin de vie.
  • Dirais-tu que tu es serein ?
Oufff j'hésite presque de répondre pour ne pas tenter le sort. En tout cas, grâce à Dieu, pour le moment je me sens bien physiquement et moralement. Il y a une quête de sérénité qui semble trouver un nid douillet en moi pour le moment. Je ne me fais pas d'illusion il y aura d'autres temps de brouillard, mais mon espérance est que je  me souviendrai à ce moment là, qu'après les nuages vient le soleil.

MERCI LA VIE !

mardi 27 juin 2017

ENTRÉE CCCXIV(314) - LA DÉPRIME

ENTRÉE CCCXIV
27-06-2017
LA DÉPRIME

Une autre étape du deuil, mieux connu celle-là.  Depuis qu'ARNOLD est dans ma vie je le connais bien l'étape de la déprime. Je vis avec régulièrement. Mais là je pense que je suis vraiment dedans. Pas une dépression, je ne crois pas. Mais un sentiment déprimé. Un sentiment qui me tenaille constamment, qui ne me quitte pas vraiment, mais qui en même temps ne m'handicape pas trop. Cependant il est là, me rappelant ma fragilité devant l'éventualité d'une occlusion, d'une progression du cancer, d'une complication quelconque, la finalité. 

On dirait que chaque moment de la journée passe par la lunette de la finalité, cela devient lourd un peu. Je pleure quand les enfants m'annoncent qu'ils ont loué un chalet sachant à quel point je l'ai apprécié l'an dernier; je pleure quand je vois les enfants travailler autour de la maison alors que moi j'en suis si peu capable; je pleure quand ils quittent et quand ils arrivent, je pleure ne regardant le petit paradis qu'est ma cour arrière, quand les oiseaux me font le cadeau de leur présence et de leur chant, quand mes amis viennent partager de la bagosse en décapotable pour que l'on puisse voir le feu d'artifice. Parfois ces pleurs s'extériorisent et parfois ils sont intérieurs cachés comme un trésor.

Mais la déprime ce n'est pas que des pleurs, C'est aussi une étape réflexive où je me "perds" dans mes pensées. Je m'absente du présent un peu, ou devrai-je dire que mon présent devient absence ? Une absence qui est présente à une réalité à devenir: ce que je quitte, ceux et celles que je quitte. Perte de temps certes, si on veut vivre pleinement le moment présent,  mais étape essentielle. Même si l'anticipation tire vers le futur, elle fait beaucoup partie de mon présent. C'est aussi ça vivre le moment présent.

Devrai-je prendre la médication pour la déprime ? La question est valable je pense bien, mais pour moi il n'est pas encore temps de geler ce que je ressens. J'accepte que je dois passer par cette étape et que finalement mon parcours est parsemé d'étapes plus ou moins plaisantes. C'est la vie, c'est aussi ça vivre !

Les conséquences de la déprime pour moi cependant c'est que j'aurai tendance à m'isoler, à me refermer sur moi même, à devenir plus taciturne. Ce n'est pas mon désir, mais une réaction à cet envahissement de la déprime. Le mot est certes un peu fort mais disons que sa présence quasi constante, causée par l'anticipation de la finalité, a comme conséquence de me garder dans un état un peu solitaire et détaché. Mes silences en sont un symptôme. Moi qui ne parle pas ? Il faut s'inquiéter. Quoi que j'accepte cette réalité, je dois dire que je la combat aussi afin de tenter de demeurer dans le présent et non pas me projeter dans le futur. Se projeter dans le futur, me fait "perdre" le moment présent. Un bon souper entre amis, pourrait être "perdu" facilement si je reste dans la projection que je n'aurai plus ces occasions. Je ne veux pas les perdre ces moments présents. Donc, sans nier la déprime qui m'habite je ne veux pas me laisser engloutir par elle.  Il y a trop de vie à VIVRE !

Cette dernière phrase peut sembler paradoxale avec ce que j'ai écrit sur l'isolement. Il y a trop de vie à vivre, mais j'ai tendance à m'isoler et à me refermer sur moi même. C'est vrai que c'est paradoxale. Dans cet état je ne serai "jamais" celui qui prendra les devants, qui initiera les contacts. Je suis fait ainsi. Mes expériences de rejet sont nombreuses et marquantes. 

Heureusement je suis bien entouré par des gens qui m'aiment, qui me soutiennent et qui savent m'écouter et m'accueillir dans ma réalité. C'est un cadeau de la vie. Aussi j'ai une armée de gens qui prient pour moi et qui pensent à moi et toute ma famille. Une de mes dernières entrées dans ce blogue a suscité plus de 700 lecteurs et lectrices. Je ne suis pas seul de toute évidence.   Comment ne pas dire MERCI LA VIE!

jeudi 22 juin 2017

ENTRÉE CCCXIII (313) - LA GRANDE BRAILLE

ENTRÉE CCCXIII
22-06-2017
LA GRANDE BRAILLE

Une expression que l'on retrouve dans l'étape des émotions liées au deuil de Jean Montbourquette: LA GRANDE BRAILLE, pleurer à s'en fendre l'âme dit-il.

J'ai l'impression d'avoir passer par la grande braille ces derniers jours. Nycole et moi et tout ceux qui nous ont côtoyé en ont subi les contrecoups ou en ont été témoins. Je ne m'en excuse pas, c'est un fait, c'était nécessaire il faut croire et ce n'est certainement pas fini.

Mais là ça fait, je ne passerai pas mon temps à pleurer ma vie je veux VIVRE ma vie.

Donc nouveau traitement reçu mardi. Évidemment j'ai eu une réaction au traitement sans trop de gravité, mais cela m'a valu une heure de plus en observation. Finalement plus d'inquiétude que de mal mais comme le disait si bien mon infirmière "Better be safe than sorry" elle pratiquait son anglais je pense. À date je tolère assez bien le traitement. Un peu d'étourdissement pour le moment semble être l'effet le plus notable. Cependant, dans les quatre premières semaines je devrais avoir des boutons, ben oui comme un ado, au visage, cou et torse. Donc ce matin j'avais déjà un bouton hahaha....

Mon plus gros problème est l'intestin qui est partiellement obstrué par l'hernie. La chirurgienne ne veut pas m'opérer " Trop grosse opération' me dit mon oncologue. Alors il est important de garder mes selles molles pour éviter une obstruction. Hé ben oui on parle encore et toujours de selles!

En ce moment je me sens réellement envahi par les émotions et donc je pleure beaucoup. Qu'est-ce qui a changé ? Le scan qui a confirmé ce que nous redoutions.  Même si tout cela demeure des statistiques de probabilités et que tout peut changer le fait demeure que le cancer progresse, que mon intestin peut se bloquer et me causer de gros problèmes. Mais bon s'il faut je me mets au régime mou. Fini les abus alimentaires, les repas gargantuesques, moi qui aime manger qui aime surtout être à la table avec d'autres... enfin. La table demeure c'est l'assiette qui va changer.

Ce matin j'étais assis tôt dans la cour et je pleurais en regardant nos fleurs, nos jardins, nos arbres, les oiseaux etc...  Je pleurais ne prenant ma marche recouvert d'un beau ciel bleu (il était tôt). Il n'est pas facile de se savoir "condamné". Chaque élément de la nature que j'aime me rappelle que "bientôt" je ne les verrai plus. Chaque fois que je suis avec les miens la même chose se passe. Ce matin avec Nathalie que de beaux et bons moments, que d'émotions par moment. Ce n'est pas facile, mais c'est la vie. C'est ça la vie. Alors il faut s'y faire et se dire qu'elle continuera. Il y aura un après moi et la vie continuera, différemment mais elle continuera tout de même. Pour ma part, ma foi me réserve une belle place au jardin de l'éternité. Je serai comblé. Le père ALFRED DUCHARME disait qu'à notre mort c'est tout notre être dans son plein potentiel qui se réalise et qui se retrouve avec Dieu. Wow moi dans mon plein potentiel, le paradis ne sera plus jamais le même ! hahaha.

Alors même si je pleure à en fendre l'âme, je reconnais à quel point je suis chanceux actuellement. Je sais aussi que quand je pleure je fais pleurer autour de moi. Je ne m'en excuse pas ! Il y a longtemps dans ma vie que j'ai appris à accueillir les larmes comme des bienfaitrices. Alors malgré elles, ou à cause d'elles, MERCI LA VIE !


mardi 20 juin 2017

ENTRÉE CCCXII (312) - LE CHOC

ENTRÉE CCCXII
20-06-2017
LE CHOC

  •  Tu as eu des mauvaises nouvelles qu'est ce que tu fais avec cela ?
Qu'est-ce que je fais avec cela ? Pour le moment j'absorbe le choc et tente de rester debout. Je cherche dans mes outils celui qui me soutiendra le plus. Tout ce que je veux faire cependant, c'est dormir pour ne pas penser, pour ne pas faire face, pour ne pas vivre la peur et l'anxiété.
  • As-tu trouvé l'outil ?
 Pas encore c'est trop récent. Je me donne du temps. Après tout ça ne fait que quelques heures que nous avons rencontré l'oncologue. Elle nous a confirmé que le cancer progresse. Ce à quoi nous nous attendions. Mais de plus, elle croit que je suis en subocculsion ce qui expliquerait mes douleurs au ventre. Elle a demandé l'opinion de la chirurgienne. Probablement que je devrai être opéré.
  • Oups te connaissant c'est l'opération qui est le plus anxiogène...
Tu as bien deviné. C'est anxiogène pour moi de même juste penser à l'hospitalisation, J'y suis passé une fois et je sais exactement ce qui m'attend et je te jure que ça ne me tente pas. D'autant plus avec le peu de temps qu'il me reste, je ne veux vraiment pas "perdre" deux mois en convalescence. Mais bon si c'est le cas, je n'ai pas vraiment le choix. Ayant vu des patients avec des occlusions intestinales je t'assure que ce n'est pas beau à voir, ni à vivre. Alors je devrai m'y soumettre. Demain je devrais avoir une meilleure idée.
  • Tu sembles avoir trouvé un outil, celui d'écrire cette entrée...
Oui peut-être bien. Cela me permet de déposer ce que je vis. Et le soutien que je reçois de mes lectrices et lecteurs me sont un bon soutien également. Mes proches sont d'un énorme soutien de par leur amour et leur proximité. Alors ce sont des assises importantes. Mais je cherche la paix intérieure, le calme, la zénitude surtout quand je me retrouve seul. On croirait que la prière me donnerait cette paix, cela viendra sûrement. Je prie pour quoi au juste ? Pour la guérison ? Pour la force et le courage ? Pour la paix d'esprit ? Pour la foi renforcée ? Je ne sais pas vraiment. Je crois qu'en ce moment jusqu'à demain je prie pour que l'opération ne soit pas nécessaire. Mais vraiment je sais bien que les dés sont jetés déjà, mais cela me fait du bien de penser que je pourrais avec l'aide de Dieu, de mes parents, de René et Léonie avoir un peu de contrôle sur le déroulement de la suite pour moi.
  • Tu as parlé de pronostic de survie avec l'oncologue, comment vis tu cela ?
Je ne suis pas surpris c'est un peu ce qu'elle nous a dit la dernière fois. Cette fois-ci c'était plus réel il me semble car le scan confirmait que le cancer progresse. Un nouveau traitement, moins toxique, commence demain. Alors on verra ce que cela donne. On a parler statistiques, probabilités etc.... disons que ce ne sont que des chiffres et je tente de ne pas trop m'y attarder (sic). Évidemment c'est quasi impossible. Disons seulement que le temps file, le rouleau se défile rapidement. Si je suis chanceux je verrai mes pivoines au printemps prochain.
  • Tu vis quoi comme émotion ?
Une grande tristesse. Je suis inquiet pour les miens. Je me sens affligé, déprimé, impuissant et anxieux à penser à ce qui s'en vient.  Vingt années aux soins palliatifs m'ont quand même permis de voir le processus de fin de vie. Même si je n'y suis pas rendu, il est difficile de ne pas y penser.  En même temps je veux continuer à VIVRE alors je me permets un peu de temps d’apitoiement, mais  pas trop afin de ne pas perdre les occasions de dire MERCI LA VIE ! Ma bataille sera dorénavant celle là !

samedi 17 juin 2017

ENTRÉE CCCXI(311) - FÉBRILE

ENTRÉE CCCXI
17-06-2017
FÉBRILE

  • Ça brasse intérieurement ?

J'ai beau essayer de ne pas m'en faire mais c'est plus fort que moi. Depuis ma dernière visite chez l'oncologue où elle m'a annoncé que  selon elle le cancer progressait le petit hamster se fait aller. J'ai beau ne pas rester dans le négatif, mais bien malgré moi je me sens très fébrile.
  • Mais tu sais qu'il n'y a pas de guérison possible ?
Oui je le sais, mais je souhaitais retarder le plus longtemps possible la progression d'ARNOLD. Comme me disait mon amie Francine "Ce serait normal que le cancer aie progressé un peu, mais juste un petit peu."
  • Ce serait logique en effet même si tu souhaiterais que les traitements qui ont fait régresser les métastases deux fois au moins continuent de le faire, mais éventuellement...
Oui justement éventuellement. On est peut-être rendu là.  Hier j'ai passé mon scan et mardi je vois mon oncologue pour avoir les résultats.
  • Ce qui explique ta fébrilité ?
Oui exactement. En plus j'ai des nouvelles douleurs à l'abdomen, une nouvelle bosse (peut être une autre hernie) et vogue la galère. Bon ça ne sert à rien de paniquer évidemment, mais bon. Mais je fais quand même appel à mon réseau de soutien que vous êtes. Ne cessez pas vos prières, vos incantations, vos pensées positives, vos lampions et tous le reste. Je sais bien que cela ne changera rien à ARNOLD lui même, mais moi et les miens on pourra en bénéficier.
  • Tu vis de l'inquiétude, de la peur, de l'anxiété....
 Oui oui tout cela.... mais je dose quand même car je ne peux rien y changer.  Et je continue à dire...

MERCI LA VIE...

jeudi 8 juin 2017

ENTRÉE CCCX(310) - LE MUR

ENTRÉE CCCX
08-06-2017
LE MUR

  • Tu es comme TRUMP tu veux bâtir un mur ?
Hahaha au contraire je veux les éviter en autant que faire se peut. Hier suite à l'entrée dans ce mon blog qui parlait de solitude j'ai eu quelques réactions. Celles-ci me font réfléchir ou devrai-je dire déclenche une réflexion que je n'arrive pas à compléter. Donc à mon habitude je partage là où j'en suis.
  • Alors vas-y j'essaierai de t'aider... en tout cas je suis toute ouïe !
Comme si tu avais le choix ! Bon je commence avec ce commentaire que j'ai reçu de mon amie Francine: "nous aussi aujourd'hui on aimerais te dire que l'on comprend, mais ni toi ni moi on le croit ... je ne peux pas imaginer ce que tu vis...et ça me fait vivre quelque chose que toi tu ne peux pas imaginer non plus. et ce mur de solitude grandit entre nous... comment l'arrêter ? " Oufff tout un commentaire. Il m'a fait prendre conscience que la "solitude du malade" fait vivre de la solitude aussi à son entourage. Je ne crois pas cependant que cela dresse un mur entre nous, mais certainement crée des espaces, des lieux de non compréhension ou même de non authenticité ou de non vérité. En même temps de se le partager est un signe d'authenticité et de vérité, non ?
  • Tu es sur une bonne piste je crois. Peut-être est-il impossible de saisir pleinement la solitude de l'autre, la vérité de l'autre, mais il est toujours possible de la partager. La vérité est dans le partage je crois.
Je pense aussi. Faire semblant serait triste à cette conjoncture de ma vie et je sais que les personnes qui m'entourent souhaitent aussi vivre la vérité. Mais il n'est pas facile de partager toujours. Certains partages peuvent déranger, blesser, inquiéter alors qu'on veut s'occuper de l'autre. C'est comme une embuche inévitable il me semble. Je ne sais trop comment la circonscrire.
  • Peut-être faut-il simplement l'accepter comme une réalité et simplement tenter d'en minimiser les effets négatifs par un dialogue franc à la mesure des capacités des uns et des autres ?
Tu as sûrement raison. J'ai aussi reçu ce commentaire d'Yvon: " Tu te souviens comme moi des paroles de Moustaki: Par elle, j'ai autant appris, Que j'ai versé de larmes, Si parfois je la répudie, Jamais elle ne désarme, Et si je préfère l'amour, D'une autre courtisane, Elle sera à mon dernier jour
Ma dernière compagne, Non, je ne suis jamais seul, Avec ma solitude."  Je trouvais que ces dernières strophes me rejoignaient beaucoup et parlait de l'inéluctable présence de la solitude. Au dernier jour, ma dernière compagne.... Savoir s,en faire une compagne plutôt qu'un ennemi à abattre est sûrement la meilleure des approches. L'apprivoiser et l'accueillir comme vérité !
  • Comme elle est inévitable cette solitude je crois qu'en effet elle peut devenir une compagne. Mais comment l'empêcher qu'elle devienne un mur entre toi et les autres ?
Oui c'était le point de départ de ma réflexion n'est-ce pas ? Alors hier au CLSC l'infirmière me donne le livre que sa belle mère, survivante du cancer, a écrit. Le deuxième sujet de son premier chapitre CONSEIL D'UNE AMIE porte sur la solitude. Elle en parle comme d'un " réalité à laquelle vous ne pouvez tout de même pas échapper." Elle nous invite à en faire notre compagne, notre lieu de ressourcement, pour se retrouver et reprendre pied au besoin. Elle ajoute " Si la solitude devient trop lourde à porter, n'hésitez pas à sortir de cet état d'inconfort en partageant votre histoire avec des personnes qui vous sont chères. C'est fondamental. " (POURQUOI MOI, Michelle Désaulniers).
Je pense que nous avons encore là une piste pour éviter le mur. En parler, partager notre solitude au besoin, au bon moment et avec une attention envers la solitude que l'autre peut vivre aussi.
  • Tu crois en être capable toi ?
J'avoue que c'est plus facile pour moi via l'écrit car l'émotion n'intervient pas. Mais oui je suis capable d'en parler, mais moi je m'y retrouve dans la solitude, c'est un lieu commun pour moi même un refuge. Je ne l'ai jamais vu comme un potentiel mur entre moi et les autres. J'y suis sensibilisé maintenant et y serai attentif. Évidemment il y a deux côtés au mur n'est-ce pas ? Moi je n'en suis qu'un ! Il y a et doit y avoir la liberté de l'autre de vouloir le franchir. Je préfère l'image du voilage que celle du mur. Un voilage transparent qui laisser percevoir l'ombrage, la lumière, qui permet de respirer et même d'être en relation avec l'autre mais qui aussi "brouille" un peu le regard. Il me semble qu'il devient plus facile si on veut tout voir et tout dire de simplement le pousser de la main ou plutôt de la parole et le tour est joué. Facile à dire. Il faut cependant être conscient que la solitude étant la réalité des uns et des autres, diffère énormément de l'un et de l'autre, alors peut on vraiment complètement faire disparaître le voilage, j'en doute. Mais on peut certainement l'ouvrir un tant soit peu et partager un espace de vérité sans brouillard.

MERCI LA VIE.

mardi 6 juin 2017

ENTRÉE CCCIX(309) - SOLITUDE

ENTRÉE CCCIX
06-06-2017
SOLITUDE

  • Tu veux parler de solitude ? La tienne ?
La solitude est un sentiment familier chez moi. Je me souviens aussi loin que je puis me rappeler avoir bien senti ce sentiment d'être seul, malgré la grande famille. Il n'y a rien de plus souffrant pour un jeune je crois que de se sentir seul parmi les siens. Moi c'était mon cas. La solitude me connait bien.
  • Est-ce que tu avais identifié la solitude quand tu étais jeune ?
Oui je savais que je me sentais seul. Évidemment je ne comprenais pas pourquoi. Mais je savais que par moment, même quand toute la famille était rassemblée, et peut être surtout à ces moments,  j'étais habité par un sentiment de solitude. Cela venait de loin en dedans et montait en moi sans avertissement. Je ne pleurais pas, je n'en parlais à personne, je le vivais ce sentiment comme quelque chose de normal et que tout le monde devait vivre.
  • C'était lourd à porter ?
Pas vraiment lourd, mais souffrant à différents degrés selon l'âge. Quand j'étais adolescent c'est devenu vraiment un sentiment très senti et très souffrant.  Mais avec le temps la solitude est devenue un peu une partenaire, une compagne de route si on veut. J'ai appris à m'y faire et même à me réfugier en elle quand je me sentais de trop, pas à la hauteur ou trop différent des autres. Non je ne peux pas dire que c'était lourd vraiment. Éventuellement en travaillant sur ma conscience de qui j"étais j'ai compris que la solitude sera toujours dans ma vie et pourrait être un lieu où je me retrouve avec moi même. 
  • Alors est ce que le mot solitude est le bon si ce n'était pas lourd ?
Oui parce que me sentir seul a toujours eu un élément de souffrance, mais une souffrance que j'ai apprivoisé et même transformé en un lieu d'apaisement parfois. Comme j'écris ces lignes je trouve paradoxale ce que j'y lis. Mais c'est comme cela que je le perçois pour le moment.
  • Qu'est-ce qui t'a fait choisir ce sujet ?
Ah oui je voulais en parler car je vis beaucoup de solitude depuis qu'ARNOLD est dans ma vie. Une solitude profonde situé au plus creux de mon être. Cette solitude n'est pas envahissante, elle est simplement. Je la ressens à tout moment. Je le mentionne car depuis ma dernière visite chez l'oncologue la solitude a repris une grande place dans mon être. Je me sens "toujours" seul quelque soit le moment ou l'entourage en ma présence. C'est assez fascinant comme émotion et comme situation. J'imagine que c'est comme quelqu'un qui a un grand secret qu'il ne peut dévoiler à personne. J'imagine qu'il doit vivre ce genre de solitude. Moi je vois plutôt que cette solitude vient du fait que je ne crois pas que personne puisse comprendre ce que je vis en ce moment. Personne ne peut savoir et l'expliquer devient fastidieux car les émotions que cela peut susciter parfois peuvent être lourdes de conséquence. 
  • Personne ne peut comprendre en es-tu certain ?
Le comprendre intellectuellement probablement, mais émotivement c'est autre chose. J'ai accompagné pendant près de 20 ans des patients en fin de vie et aujourd'hui je peux dire que je n'ai jamais compris ce que vivaient mes patients. Je me souviens d'une dame qui m'avait partagé son sentiment de solitude en me disant qu'elle ne s'était jamais senti si seule. Je lui avais dis que je comprenais, mais aujourd'hui je sais que je ne comprenais pas. Tu vis avec une sentence sur les épaules, un échéancier plus ou moins précis, tes pensées sont constamment occupées par les questions de fin de vie. Même dans une activité banale comme faire des pizzas avec des amis, tu te retrouves dans un moment de solitude en te demandant combien de fois je pourrai revivre cela ? Chaque opportunité, chaque activité est vue au travers la loupe du temps qui file. C'est très isolant !
  • Manques tu de confiance en la capacité des gens de comprendre ce que tu vis ?
Peut-être oui. Mais je ne crois pas. Pour avoir tenté de partager ma solitude plusieurs fois dans ma vie ça finissait toujours par blesser, fâcher, inquiéter ou confondre l'autre. J'accepte de vivre avec. Je m'y réfugie pour vivre ce que je suis seul à pouvoir vivre. La solitude n'est pas toujours négative !!!

MERCI LA VIE.

samedi 3 juin 2017

ENTRÉE CCCVIII(308) - SANS TITRE

ENTRÉE CCCVIII
03-06-2017
SANS TITRE


  • Tu sais qu'il est 3h30 du matin ? Drôle d'accoutrement ?
Oui en effet, mais il faisait froid hier soir pour le RELAIS DE LA VIE de la Société Canadienne du Cancer (SCC). Et de plus, comme dirait ma mère, il ventait pour écorner les boeufs. D'ailleurs selon les habitués la température a fait fuir beaucoup de monde. Nous étions à St-Jean-sur-Richelieu où Nathalie notre plus vieille  avait organisé que la tribu s'y rencontre pour "célébrer' une année de plus. Je fus réellement touché par la présence des miens. 
  • Moment difficile ?
Disons que oui et non. Moi je n'ai pas apprécié l'orientation que les organisateurs ont pris pour cet événement. Je fus un peu surpris du style "ce soir on danse " avec musique très forte et animation beaucoup trop énergique à mon goût. surtout pour la marche des survivants que j'aurais aimé plus solennelle et silencieuse. Mais bon chacun son approche. Je fus tout de même envahi d'émotion dès que je me suis joint à la foule des survivants.
  • Envahi d'émotions ?
Oui, il faut dire que  Nycole et moi avions rencontré l'oncologue ce matin là et les nouvelles sont moins bonnes.  Mes CEA, qui indiquent mon niveau de cancer dans le sang, sont passés de 158 à 273 une autre grosse hausse. Donc un scan "d'urgence" a été demandé pour voir ce qui se passe.

Cependant, la discussion franche avec l'oncologue a laissé entrevoir que le pronostic  semble réduit. De ce fait elle semble penser que probablement il nous faut passer à un autre traitement moins toxique, moins efficace mais qui permet de contrôler ARNOLD encore un peu. En d'autres mots elle semble penser que le cancer progresse.

Avant de paniquer attendons le scan pour voir.  J'ai un rendez vous de prévu avec elle le 20 juin, mais si je passe mon scan vite elle m'appellera avec les détails avant cette date. Entre temps nous avons décidé de sauter le traitement de chimio de mardi prochain. Donc la marche des survivants prenait une toute autre signification pour moi à ce moment.
  • Comment te sens-tu ? 
 C'est une bonne question. Je suis un peu gelé, sous le choc. Je ne croyais pas être rendu là. Aussi il y a une partie de moi qui refuse et qui demeure combatif. Après tout je me sens bien, je ne me sens pas malade à ce point. Alors de me faire dire que peut-être on est rendu à diminuer la force du traitement  "parce qu'inutile de vous rendre malade pour rien  si le cancer progresse " m'a vraiment pris par surprise. Enfin je m'étais préparer à tout entendre, après tout mes CEA avait augmenté beaucoup la dernière fois aussi, mais le choc est grand tout de même.
  • Elle a été aussi clair que cela ?
Disons que pour la première fois depuis que je la fréquente les propos étaient lourds de conséquence. À ma question sur la durée, alors que je lui disais que je croyais avoir deux ans au moins, elle m'a laissé comprendre que ce sera probablement la moitié de cela. Oufff. Au moment où elle a fait cette affirmation une douleur aiguë s'est fait sentir à quelques endroits dans mon bas ventre. Son regard était franc, ses mots mesurés et la sentence était tombé.
  • Tu es triste, en colère, déçu ?
Pour le moment je suis incrédule. Je veux passer le scan et voir ce que les imageries diront. Je ne me sens pas assez malade pour envisager ce pronostic. Ce n'est pas du déni. J'ai bien entendu ce qu'elle a dit, mais elle-même a besoin des imageries pour confirmer ses affirmations. Donc d'abord attendons avant de trop paniquer. 
  • Après tout elle peut se tromper non ?
Tu sais quoi ? Je ne crois pas qu'avec l'expérience qu'elle a, elle se trompe vraiment. Mais peut-être que je peux déjouer les statistiques. Allez tout le monde !!! Que vous soyez chrétiens, musulmans, juifs, boudhiste, krishna ou autres, à vos prières, pensées, méditations, lampions, encens, tout ce qu'il faut pour conjurer le sort!!!!!!
  • Tu crois aux miracles?
Quand mes patients me posaient la question,  je répondais toujours que j'en avais jamais vu ! Enfin pas des miracles comme ceux qu'on voudraient. Évidemment dans le contexte des soins palliatifs, les miracles étaient rarissimes. En tout cas, ceux qui repoussaient l'inévitable. Donc, non je ne crois pas aux miracles, mais je me fie sur les personnes qui y croient cependant hahaha!
  • Tu fais encore de l'humour ?
J'espère en faire jusqu'à mon dernier souffle. D'ailleurs hier durant la marche des survivants je dois dire que certains événements cocasses nous ont fait tantôt sursauté de panique et tantôt rire aux éclats. La symbolique de libérer des papillons en faisant un souhait a tombé à plat. La plupart des papillons  n'ont pas pris leur envol et se sont ramassés à terre soit morts ou piétinés à mort. C'était traumatisants pour nos deux petites filles. Alors il n'en fallu pas plus pour que nous y voyions là une cocasserie très drôle. Tout comme le luminaire que nous allumions en famille solennellement en faisant un voeu et qui s'est éteint dû au JET NORDIQUE qui nous assaillait. Autre signe ???? Très drôle tout cela, Mais j'ai pu marcher un bout de piste avec chacun de mes enfants et Nycole. Ma douce compagne qui elle est terrassée. Voilà ce qui me fait le plus de peine, de lui  faire de la peine ! Mais bon c'est hors de mon contrôle. Ce que je contrôle c'est la capacité de rire encore et toujours !

MERCI LA VIE !