lundi 30 octobre 2017

ENTRÉE CCCXXXVII(337) - LE MONSTRE

ENTRÉE CCCXXXVII
30-10-2017
LE MONSTRE

Tout petit je te craignais, toi le monstre de mes nuits.
Tu hantais mon sommeil, je te sentais présent.
Tu me courais après et m'attrapais la cheville
Tu rampais le sol, tel un serpent voleur de vie.

Adolescent, tu pris le visage de l'insécurité
Tu hantais mes jours et bloquais mes élans
Tu as su éteindre ma voix et casser mon jeu
Je n'ai pas su me défendre, je me suis écrasé.

Jeune adulte tu pris l'allure de la quête
Tu m'as convaincu de courir  le bonheur
Tu étais le pire des monstres, le tricheur
Pendant plusieurs années tu hantais ma tête.

Avançant en sagesse je décide de te combattre 
J'ajoute plusieurs outils dans mon arsenal
Déterminé je chemine vers la sérénité
Tu es le monstre et je saurai t'abattre.

Heureux d'être enfin sur le chemin du bonheur
Difficile à cerner, mais possible d'y goûter
souhaitant en profiter encore longtemps
Je rencontre un nouveau monstre, l'horreur.

Voilà que ma plus grande bataille commence
Voilà que tu reviens  envahir notre quotidien
Toi le pire des monstres, celui qui ne pardonne pas 
Tu me ramène à l'insécurité de mon enfance.

Aujourd'hui je te vois, je t'entends, je te sens.
De plus en plus, je te crains, je veux te fuir
Mais en vain , tu t'es installé, tu combats
Tu es fort, trop fort, je te vois, je t'entends, je te sens.


samedi 21 octobre 2017

ENTRÉE CCCXXXVI(336) - PRÉARRANGEMENTS

ENTRÉE CCCXXXVI
21=10=2017
PRÉ-ARRANGEMENTS

  • Ouf une grosse étape de faite ?
Pas tout à fait faite, mais le démarchage est terminée. Nycole et moi avons visité hier nos deux salons funéraires ensemble. Nous avons arrêtés notre choix sur une maison qui fait partie du paysage Eustachois depuis longtemps et qui appartient encore à la famille d'origine. Il ne me reste maintenant que de finaliser le contrat.
  • Qu'est-ce quia motivé ce choix ?
Boff tu sais parfois des détails font la différence.  Je dois dire que nous avons été bien reçu dans les deux endroits. Suite à la diffusion de l'émission de JE sur les frais funéraires la veille, j'étais bien préparé à ne pas me faire "bourrer" ni "charrier". Je dois dire que dans les deux cas aucune pression n'a été mis sur nos prises de décisions. Mais je dois dire que la maison choisie nous a reçu chaleureusement, sans rendez-vous, et nous ont offerts une option meilleure marché. Pour moi c'était un enjeu majeur. Le coût était important pour moi. Je voulais que ce soit le plus bas possible même si en bout de ligne la mort ça coûte cher en sirop.  Malgré mes goûts parfois extravagants dans ma vie, ont dirait que pour ma mort je voulais cela le plus simple possible.
  • Simple ?
Oui surtout au niveau du choix du cercueil. J'ai donc choisi le cercueil le moins cher, celui réservé habituellement pour les communautés religieuses. Un cercueil simple sans flafla, mais quand même joli. L'autre maison ne l'offrait pas. Je suis satisfait de mon choix simple, pour une fois je n'ai pas été "fancy" comme disait ma mère. Aussi je suis content de favoriser une entreprise québécoise familiale qui s'approvisionne chez un fabricant de cercueil québécois. 
  • Ça fait drôle de lire cette dernière phrase comme si on parlait de meubles ou légumes produit localement?
Oui en effet on est peu habitué à ce domaine. Mais finalement ce sont des entreprises comme tout autre qui rendent des services à leur clientèle. Souvent la petite touche qui fait la différence c'est dans l'accueil et l'écoute. Je me suis senti bien accueilli aux deux endroits, mais la maison Goyer a démontré une belle disponibilité, un accueil sans réserve et un prix plus raisonnable. Aussi pas de surcharge pour la salle de réception, ni de tarif additionnel pour le week end. Ça semble banale mais ces détails parlent d'une philosophie d'affaires qui nous a plu. 
  • Comment avez-vous vécu cette visite ?
Pour ma part, comme si j'achetais une télé.  Je n'ai pas trouvé l'expérience difficile. Une décision qui me pesait lourd depuis un bon moment et que j'avais hâte de conclure pour ne plus y penser. Alors même au moment de visiter la salle d'exposition des cercueils, quoi que je n'ai pas voulu m'y attarder trop, je n'ai pas ressenti d'émotions fortes. Pour Nycole ce fut un peu différent, mais je dois dire que nous nous en sommes bien sortis. Cette semaine j'irai finaliser les détails et le dossier sera clos. Souhaitons ne pas avoir à faire affaire avec eux avant longtemps.
  • Pas trop t'y attarder ?
Ouin la salle des cercueils frappe un peu plus.  Clairement ils le savent et M Goyer prenait bien son temps avant d'ouvrir la porte et faire la lumière dans la salle. Très respectueux. Je ne voulais pas m'y attarder car je savais que ce serait plus difficile pour Nycole et aussi parce qu'il y a de très beaux cercueils et je ne voulais pas me laisser tenter par mon extravagance. Dans la mort je tenais à rester le plus simple possible. D'ailleurs celui que j'ai finalement choisi n'était pas sur place. J'ai choisi à partir d'une photo. Je préfère laisser plus de sous à Nycole que de dépenser sur un cercueil. Voilà l'avantage de faire ses choix à l'avance. Ce sont des choix moins émotifs.
  • Donc tout est bien ?
Oui vraiment, je suis heureux que mes décisions soient prises. Je finaliserai le tout cette semaine et pour cela aussi je pourrai dire MERCI LA VIE!

 

vendredi 20 octobre 2017

ENTRÉE CCCXXXV(335) - POURQUOI?

ENTRÉE CCCXXXV
20-10-2017
POURQUOI ?

  • C'est quoi ce pourquoi là ?
Depuis l'arrivée d'ARNOLD dans ma vie j'ai toujours dit que je ne posais pas la question POURQUOI MOI? J'ai même écrit dans ce blog plusieurs fois que je réagis à cette question en me disant POURQUOI PAS MOI ? Alors ce n'est pas de cet ordre là mon POURQUOI.  Non plutôt je me demande POURQUOI le temps qui me reste? À quoi servira-t-il ? POURQUOI  ai-je encore un peu de temps?
  • C'est une drôle de question il me semble. Le temps que tu as c'est pour VIVRE non ?
Oui d'accord avec toi, mais VIVRE quoi ? Qu'est-ce que je veux faire avec ce temps qui me reste ? Clairement je dois mettre de  côté plusieurs des choix que j'aimerais faire: voyager, publier, accompagner, coacher, donner des conférences, enseigner. Ce sont toutes des choses qui ont nourris ma vie. Maintenant tout cela est fini. Alors POURQUOI suis-je encore là?
  • Vraiment ? Je suis surpris que tu te poses cette question là.
Je t'avoue que moi aussi. Il me semblait que depuis l'arrivée d'ARNOLD je profitais du temps qui m'est donné pour passer du temps avec les miens, profiter de mes jardins et mes oiseaux, écrire, créer des souvenirs, m'occuper de la maison et cuisiner un peu plus. Je dirais que, malgré les montagnes russes émotives des deux dernières années, je profitais de la vie de façon un peu relaxe (sic). 
  • Et là c'est différent ?
Bien oui, autant que j'ai mentionné plusieurs fois l'urgence de vivre qui m'habitait depuis ARNOLD, autant que maintenant je ne sens pas juste l'urgence de vivre, mais on dirait que je ressens l'urgence de bien choisir POURQUOI je veux vivre encore.
  • POURQUOI vivre ? Vraiment je suis étonné!
Oui oui je sais je sais, j'ai ma famille, ma douce, mes enfants, mes petits enfants MAIS on dirait que j'ai BESOIN de plus que cela pour donner sens au peu de temps qui me reste. Devrai-je me sentir mal de vouloir plus ?  Suis-je coupable d'un égo trop grand ? Devrai-je me contenter de vivre mon train train quotidien et de n'avoir plus d'impact sur le monde, de ne plus participer à sa transformation, de ne plus être signifiant ? 
  • Aieyaieyaie!!!
Je sais, je sais je suis en mal de sens. Le 31 mai 1991 j'ai reçu l'ordination diaconale des mains de Charles Valois évêque du diocèse de Saint-Jérôme. Cela faisait suite à plusieurs années de préparation, de réflexion vocationnelle et d'études en théologie etc... Quand j'ai commencé cette démarche avec Nycole, mon objectif, ou ma raison de le faire, était de participer à la transformation du monde, de notre monde et de l'Église. Cela a guidé le reste de ma vie. Et sûrement que cela a nourrit aussi mon égo. Je suis content, même fier je peux le dire, de mon implication dans mon petit monde local. 
  • Alors tu ne mérites pas le repos ?
Ce n'est pas une question de mérite  crois moi. Je n'ai certainement pas mérité ce temps d'arrêt! Finalement peut être l'ai-je mérité mais là n'est pas la question. J'ai jonglé beaucoup avec la question du sens depuis le début de mon congé de maladie. Je croyais avoir fait la paix avec le fait que mon temps de "transformateur" (un peu prétentieux je sais) était fini. Mais là je suis hanté par la question du POURQUOI j'ai encore un peu de temps.
  • Simplement pour vivre non ?
Oui, oui tu as raison sûrement. Et je sais que mes proches me diront que je continue d'agir sur mon petit monde juste en étant qui je suis ou via mes écrits du blog. MAIS MAIS MAIS.... qu'est-ce que je vais faire avec le temps qui me reste? FAIRE, ÊTRE, FAIRE, ÊTRE... je suis encore pris avec cette confrontation d'états. Je tente tant bien que mal de mettre en application ce que je disais à mes patients, mais je ne suis pas encore assez malade, faut croire, pour me contenter de prier, d'écouter les miens et rendre grâce pour ma vie. Ce que je fais quand même en passant.
  • Donc au lieu du POURQUOI la question finalement c'est qu'est ce que tu vas faire avec le temps qui te reste?
Ce qui me gausse vraiment c'est le fait que je me pose même cette question là. Je me trouve poche. Donc peut être que la vraie question c'est  POURQUOI je me pose même cette question? Je devrais avoir toute une liste non? Comment se fait-il que je ne sache pas ? Bon bien voilà où j'en suis... J'ai lancé tout cela dans l'univers....  MERCI LA VIE !

mardi 17 octobre 2017

ENTRÉE CCCXXXIV(334) - OUFFFF!

ENTRÉE CCCXXXIV
17-10-2017
OUFFF!

  • Tu as vu ton oncologue aujourd'hui et si je me fie au titre de cette entrée tu n'as pas aimé le résultat. Est-ce que je me trompe?
Je suis ambivalent. Je balance, comme cela m'arrive si souvent, entre ma tête et mes émotions. Alors par moment je suis "raisonné" et d'autres moments je suis envahit d'émotions: tristesse, déception, colère, indigné, volé, etc...
  • Nommons les faits pour se situer d'abord dans la raison.
Les faits sont que le scan démontre peu de changement depuis le dernier donc pas de progression visible du cancer. Évidemment on ne voit pas les lésions au foie sur le scan il faudrait une résonance magnétique. Le nodule au poumon est resté aussi petit. Donc ce sont de bonnes nouvelles, c'était attendu, du moins par moi. Cependant les marqueurs du cancer dans le sang ont triplé, mais ils sont quand même très bas en comparaison du 660 qu'ils ont déjà été. Ils était à 10,7 il y a six semaines et sont rendus je crois à 36. C'est bas, mais c'est quand même le triple. Voilà les faits.
  • Et tu interprètes ça comment ?
Je ne suis pas dans l'interprétation c'est un fait confirmé par l'oncologue que ces résultats indiquent que le cancer a figuré comment déjouer le nouveau traitement. Heureusement nous ne sommes qu'au début et cela semble progresser lentement pour le moment. Aussi dans les faits l'oncologue a adressé deux possibilités de traitement qui pourraient être envisagé lorsque le cancer progressera plus rapidement. Car il faudra mettre fin à celui-ci s'il ne démontre plus son efficacité.  Donc voilà les faits.
  • Cela t'inquiètes beaucoup ?
 Pour être honnête je ne m'attendais pas à cela cette fois-ci, mais plutôt à la prochaine rencontre avec l'oncologue en novembre ou décembre, car elle avait mentionné que le traitement était efficace pour approximativement six mois au plus. Cela fait quatre mois seulement. Je me sens triché. Je veux plus de temps. Je me sens triché aussi parce que les premiers pronostics me donnaient cinq ans de survie et là clairement ce sera moins. Je me sens secoué, bousculé et abandonné par la vie. Le temps file trop vite, il en reste trop peu.
  • Mais tu ne sais pas combien il en reste vraiment non ?
En effet je ne sais pas. Et je continue d'espérer pour le plus possible. Mais je suis aussi un optimiste réaliste. Le cancer progresse et j'aurai des choix à faire. Recommencer à être malade avec des traitements plus toxiques avec peu d'expérience de succès dépassant six semaines de plus de survie. Ou un protocole de recherche qui suscitera possiblement des maladies secondaires qu'il faudra traiter. Enfin qui sait, mais je sais que l'oncologue prendra éventuellement la décision de cesser le traitement actuel et je devrai prendre ces décisions.
  • Et que feras tu ?
Je n'ai aucune idée. Je revois l'oncologue à la fin novembre. D'ici là je vais porter cela doucement en tentant de ne pas perdre trop de temps à y penser. Facile à dire...
  • Comment tu te sens ce soir ?
Deux émotions assez primaires: triste et en colère. En colère parce que je me sens volé du temps que je pensais que j'avais... je sais je sais je n'ai aucune idée du temps qui reste. Mais je me fie à l'expérience de mon oncologue  qui en a vu bien d'autres. La tristesse n'a pas besoin d'explication je pense bien.
  • Ouin c'est plutôt sombre ...
Bofff ça va passer, je passe par ces gammes d'émotions chaque fois que les nouvelles me rapprochent de l'échéancier. Même si la certitude n'existe pas dans ces pronostics, il y en a quand même une n'est-ce pas ? Demain ça ira mieux, j'ai encore de la vie à VIVRE. Et pourquoi pas une croisière ou un voyage dans le sud cet hiver ?   

mercredi 11 octobre 2017

ENTRÉE CCCXXXIII(333) - MES FUNÉRAILLES!

ENTRÉE CCCXXXIII
11-10-2017
MES FUNÉRAILLES


  • Mon dieu quel titre morbide !
Ben non c'est une bonne nouvelle. J'ai finalement terminé ma célébration de funérailles. 
  • Ouin c'est morbide quand même non ? 
Pas pour moi non. Faut dire que je côtoie la vie te la mort depuis longtemps. Non non ce n'est pas morbide c'est un exercice qui devait être fait et je l'ai fait. Je peux mettre cela derrière moi maintenant.
  • Tu es satisfait ?
Oui je suis content de ce que j'ai concocté. Il ne me reste qu'un élément à trouver pour la fin mais sinon c'est terminé.
  • Difficile à faire ?
 Oui plus que je m'attendais. C'est pas facile de mettre les bons mots, faire les choix de lecture, de chants, de gestes pour que ce soit signifiant et que cela me ressemble. J'ai aussi réalisé que je ne serais jamais satisfait donc j'ai lâché prise et fait des choix en me disant que ce ne sont peut être pas les meilleurs, mais ils expriment ma vérité et mon coeur. C'était trop difficile pour moi de tenter de tenir compte des susceptibilités des uns et des autres. Là aussi j'ai lâché prise. 
  • Comme d'habitude tu as fait a ta façon !
Oui si on veut, mais j'ai quand même laissé un choix à Nycole. Choix qu'elle fera au moment de mes funérailles. Je n'arrive pas à statuer si ce serait mieux une messe, une célébration de la Parole avec communion ou une sans communion. Cela devrait être évident mais pour toutes sortes de raisons ce ne l'est pas pour moi. Alors je laisse cela à Nycole qui elle décidera ce qui sera le mieux pour tout le monde dans le contexte du moment.
  • Ça m'apparaît bizarre un peu que tu n'arrives pas à choisir...
Oui moi aussi, mais c'est ainsi. Il y a des arguments pour chacun de ces choix et cela aura un impact sur les miens que moi je ne pourrai contrôler donc je laisse cela à Nycole qui elle saura faire le meilleur choix. De toute façon dans l'un ou l'autre de ces choix ce sera le contenu que j'ai décidé de toute façon à peu de choses près.
  • Aussi cela dépend de la personne qui préside non ?
Oui évidemment, mais j'ai choisi un ami qui me donne carte blanche. Il respectera mes choix sachant que je ne lui ferais pas faire quelque chose d'inacceptable. De toute façon je ne suis pas si flyé que cela. hahaha
  •  Tu es un diacre après tout ?
Oui je sais et c'est une des considérations qui me complique un peu la prise de décision. Ma diaconie "active" s'est arrêtée il y a un bon moment. Ma pratique religieuse s'est aussi sensiblement transformée. La Parole a toujours et continue de nourrir ma vie. Le Père Alfred disait que j'étais un contemplatif dans l'action et que la Parole y était au coeur. Que je vivais l'Eucharistie au travers mes rencontres avec mes patients. C'était très signifiant et vivifiant pour moi. Tout cela s'est arrêté il y trois ans.
  • Tu es néanmoins un diacre quand même non ?
Oui oui absolument ... mais c'est différent maintenant pour moi. C'est une transition d'état que je n'ai pas réussi vraiment à faire je crois. Enfin ce n'est qu"une considération. Ces jours-ci je suis un peu dans ma nostalgie en lien avec mon emploi, ma diaconie et ma valeur. Sûrement que la préparation de la célébration des funérailles a brassé tout cela aussi.  Bon bon ça suffit. Je reconnais que je suis chanceux de pouvoir préparer tout cela, d'avoir ce temps et le courage.  MERCI LA VIE !
  • J'ai l'impression que tu fuis le sujet un peu...
Oui tu as raison.

lundi 2 octobre 2017

ENTRÉE CCCXXXII(332) - ACCEPTER LA VIE !

ENTRÉE CCCXXXII
02-10-2017
ACCEPTER LA VIE !

  • A-t-on vraiment le choix de l'accepter ou la refuser ?
Oh que oui... elle nous est donnée, mais l'accepter est une autre chose. Aujourd'hui alors que j'attendais pour mon scan j'ai rencontré une dame qui se faisait préparé pour son examen. De toute évidence elle n'était pas heureuse. J'ai appris qu'elle avait 75 ans donc pas une débutante, si j'ai bien compris la conversation avec sa cousine elle souffre de fibromyalgie. Elle ne passait pas le même examen que moi, mais elle devait aussi de faire poser un cathéter. L'infirmière a eu de la difficulté à la piquer et la patiente se tordait de douleur. Quand l'infirmière nous a laissé seuls après avoir réussi, la dame se plaint que c'est terrible de devoir vivre cela. Et moi dans ma grande sagesse je lui répond "c'est la vie ça madame. "
  • Elle n'a pas apprécié ?
Oh que non ! J'ai eu droit à une réponse sur un ton cinglant: " Non monsieur ce n'est pas ça la vie. Ça c'est une phrase que l'on dit pour se faire du bien. " Oufff je ne savais pas quoi répondre. Il me semblait que ce que j'avais dit était censé. Mais je me suis mis en doute. Mais pendant que j'étais dans le scanner j'y ai réfléchi et suis venu à la conclusion que je n'avais rien dit de mal, au contraire. Madame n'était pas prête à l'entendre. J'ai donc garder le silence sur le sujet pendant que j'attendais qu'on me retire le cathéter et qu'elle finissait de boire son colyte. Mais j'aurais aimé lui dire beaucoup de choses.
  • Comme quoi par exemple ?
J'aurais aimé lui dire que la vie deviendra plus facile pour elle la journée qu'elle acceptera que c'est ça la vie aussi. La maladie, la vieillesse, les malaises, etc.... c'est aussi cela la vie. De  rejeter cette évidence  c'est, selon mon expérience, une grande source de souffrance. J'aurais aimé lui dire que si on prend le temps de regarder le parcours de la vie de n'importe qui, il y a toujours de la souffrance, de la douleur, de la déception, de la peine, de la maladie ou de la tristesse sur le chemin. C'est ça la vie ! J'aurais aimé lui partager que moi j'ai mis beaucoup de temps à comprendre que mon impatience, mon intolérance et mon agressivité a longtemps été liées à mon incapacité de reconnaître que c'est ça la vie aussi que de ne pas avoir tout ce que l'on veut. Que cela ne donne absolument rien de se percevoir comme une victime de la vie.
  • Ouin cela est venu te rejoindre pas mal ?
Oui en effet. C'est fou mais j'étais triste pour elle.
  • Pour elle ou pour toi ?
On ne peut rien te cacher toi ?. En effet je pense que cela m'a mis face au fait que trop longtemps j'ai perdu mon temps à penser que la vie, pour être heureuse devait être parfaite. Que je ne devais jamais avoir de down, qu'on devait jamais me dire non, que je ne devais jamais avoir mal ou attendre en file ou perdre un emploi ou faire rire de moi. Bref que le bonheur se trouve dans la perfection de la vie. Quelle illusion.
  • Illusion ?
Oui je pense que les médias de tout genre nous vendent la vie comme une succession de beaux et bons moments alors qu'il n'en est rien. Même entre nous on cherche constamment à noyer la peine, la tristesse, le laid de la vie. Comme si ce laid ne faisait pas partie de la vie. Heureusement que j'ai rencontré aux soins palliatifs un tas de patients et de patientes qui m'ont appris qu'au coeur de la pire des tragédies,  le plus gros des drames, soit la fin de vie, la vie peut encore t'offrir du bon temps.
  • Tu refuses de laisser la laideur de la vie enlaidir ta vie ?
Je ne sais même pas s'il faut appeler cela de la laideur. Évidemment il y en a de la laideur. On vient  d'en avoir un parfait exemple hier, la tuerie à Las Vegas. Mais d'une certaine façon ça aussi c'est la vie. Cela peut sembler réducteur. Je ne veux surtout pas banaliser ce genre de drame. Mais la vie est parsemé de drames, de malheurs, de deuils incompréhensibles. C'est ça aussi la vie ! Dire cela ne règle rien évidemment, mais refuser la vie telle qu'elle est non plus, au contraire.
  • Tu en sais quelque chose ...
Disons que j'ai choisi, dès l'arrivée d'ARNOLD, que c'était ça aussi la vie. Et je crois vraiment que cela m'a aidé et continue de m'aider à y faire face. La vie ce n'est pas que du temps ensoleillé. C'est tout cela que j'aurais aimé lui dire à la patiente. Peut être que j'avais besoin de me le dire aussi. 

MERCI LA VIE !