lundi 24 juillet 2017

ENTRÉE CCCXVIII(318) - POILU

ENTRÉE CCCXVIII
24-07-2017
POILU

  • Tu veux parler de ton poil ?
Bien je voulais consigner le fait que mon poil a recommencé à pousser. Je suis sans poil depuis plusieurs mois. J'ai perdu mes cheveux, ma belle barbe et toute pilosité sur mon corps.Cela peut sembler banal comme sujet et je l'aurais sûrement pensé jadis, mais je dois avouer que sans poil je me sentais tout nu. J'avais l'impression qu'il me manquait quelque chose, C'est pas le plus important évidemment, mais c'est une partie de mon identité non ? Comme la virilité d'ailleurs.
  • Et là le poil revient ?
Oui je souhaite retrouvé ma belle barbe et mes cheveux, mais surtout le poil sur mon corps. Il est clair pour moi que cette impression de nudité est symbolique et représente autre chose. Probablement au niveau de la perte de contrôle ou l'impuissance devant ARNOLD. Comme si le retour du poil me donnait une meilleure chance... c'est ridicule d'une certaine façon, mais tout ce qui donne espoir est bienvenue n'est-ce pas?
  • Le retour du poil te donne de l'espoir? 
Hahaha d'une certaine façon symboliquement. Avec le traitement que je subis actuellement, qui est un traitement de troisième ligne, signifiant que les deux autres ont atteints leurs limites, je revis d'une certaine façon. TOUT reprend vie dans mon corps. Le poil symbolise cette renaissance. Il symbolise cette reprise sur la vie, sur la Vie. 
  • Une renaissance symbolique ?
Oui car comme je le mentionnais dans une entrée précédente intitulée AMBIGUITÉ, cette reprise de la vie signifie que la traitement est moins toxique, donc moins efficace, donc moins puissant contre ARNOLD. Je dois souligner cependant que mes derniers CEA, indicateurs de cancer dans le sang, ont diminué de 514 à 74. Un bon signe. Souhaitons que ce ne soit pas trop éphémère. Le temps que les cellules d'ARNOLD trouvent le moyen de contourner ce traitement aussi. Donc je revis symboliquement, mais aussi concrètement car je suis mieux capable de profiter de bons moments comme celui d'aller voir mon fils se produire à Montréal sur la scène VIDEOTRON du festival juste pour rire à 21h15 un dimanche soir. Donc ce n'est pas que symbolique.
  • Le poil, la virilité, la vie ?
Aussi puéril que puisse sembler, d'une certaine façon, de tant mettre de l'importance sur des poils ou la virilité dans une situation de maladie terminale, il serait faux de ne pas reconnaître cette importance. Deux patients me viennent en tête: un qui se plaignait, alors qu'il était en fin de vie, de ne plus avoir d'érection et que cela le diminuait beaucoup dans son identité masculine et l'autre son infirmière nous avait partagé en rencontre interdisciplinaire qu'il avait des érections lors des soins d'hygiène. Elle avait affirmé: Ça arrête jamais cette affaire là.  Ce qui avait valu de ma part le commentaire spontané suivant: quelle bonne nouvelle, c'est rassurant! Pouffée de rires de la part de l'équipe exclusivement féminine sauf moi. Oui poil, virilité, vie ! Je pense qu'il faut passer au travers pour bien saisir cette réalité.
  • Et donc la barbe reviendra ?
Oui au désespoir de ma soeur qui ne l'aime pas beaucoup et Nycole je pense la tolère seulement. Il faut dore que je n'ai jamais porté une barbe pleine de toute ma vie. Ce n'est que depuis l'arrivée d'ARNOLD. J'ai beaucoup aimé l'avoir. Surtout quand un petit garçon avait dit à sa maman que je ressemblais au père Noël. J'ai déjà écrit sur la barbe dans mon blogue mentionnant différentes hypothèses sur le pourquoi j'avais soudainement choisi de la laisser pousser. Malgré que cela déplaise un peu moi elle me fait du bien cette barbe.  Je souhaite vraiment qu'elle revienne en force. Aussi forte, aussi blanche, aussi belle. 
  • Que signifie la barbe pour toi ?
La force je pense. La combativité. La résilience. En écrivant ceci je cherche mes références historiques pour faire ces liens et j'avoue ne pas les trouver. Je pense à Samson dans le livre des Juges de la bible. La coupe de ses cheveux l'ont rendus plus vulnérable. Je pense aussi aux cultures où les cheveux longs et la barbe sont signes de virilité et d'identité masculine, de force et de puissance.
  • Ça me semble tiré par les cheveux  hahaha!
Très drôle, c'est pourquoi tu es la partie plus rationnelle de ma personnalité. Je sais que tu as raison. C'est de l'ordre plutôt symbolique.  Les symboles ont toujours été importants pour moi. Ma sensibilité aux symboles et aux symboliques me rendent parfois trop attaché à des aspects externes. Mais je pense que généralement cette sensibilité me sert bien.
  • Donc sous peu on te verra arborer la grande barbe ?
Je le souhaite bien. Je souhaite que je puisse l'endurer durant la phase assez laide. Celle que je vis en ce moment. Surtout que la peau me pique énormément à cause du traitement. Mais chaque jour je la vois pousser et je me sens confiant qu'elle m'apporte une certaine force. Je vois les poils revenir sur mon corps et je me sens plus en harmonie d'une certaine façon avec mon identité. Les cheveux reviennent tranquillement. Ils ne seront jamais assez long pour que quelqu'un s'y pende pour être secouru d'une chute certaine... (image qui me vient mais je ne sais d'où) mais tout cela me permet de sentir mon corps en vie. 
  • Tout en vie ?
Oui m'sieur tout en vie. Et cela aussi fait partie d'une renaissance qui donne Vie!  Alors comment ne pas dire MERCI LA VIE !.

samedi 22 juillet 2017

ENTRÉE CCCXVII(317) - BONHEUR

ENTRÉE CCC1XVII
22-07-2017
BONHEUR

  • En effet tu sembles heureux sur cette photo !
Oui elle date de 7 ans alors que la vie était pleine de promesse. J'avais perd 70 livres et je courais tous les jours et je me sentais en grande forme. 
  • Et pourquoi ce retour en arrière ?
Pour parler du bonheur. Un sujet auquel je réfléchis beaucoup depuis ARNOLD, mais aussi auquel j'ai beaucoup réfléchi dans ma vie. Je suis toujours intéressé à apprendre sur ce sujet. J'aime entendre ce que les gens pensent du bonheur, si les gens sont heureux, si le bonheur est atteignable ou pas, quel en est le chemin, etc.... Probablement lié à ma propre quête du bonheur.
  • Alors ?
Alors j'en ai profité autour du feu de camp cette semaine pour demander à ma tribu comment ils définissent le bonheur. C'est difficile de répondre à cette question sans plutôt parler de comment vivre ou atteindre le bonheur. Quelle est ta définition du bonheur ? C'était la question de notre échange. Et quel échange intéressant et interpellant que ce fut. Au contraire du Larousse qui définit le bonheur comme un "un état de satisfaction complète caractérisé par sa stabilité et sa durabilité. Il ne suffit pas de ressentir un bref contentement pour être heureux. Une joie intense n'est pas le bonheur. Un plaisir éphémère non plus." nous semblions plutôt nous orienter vers ce que nous appelons les petits bonheurs accessibles au quotidien suite à un choix  de notre part d'être heureux. Pour l'une c'est un état d'harmonie avec soi-même et les autres, pour un autre c'est la vie de famille, pour une autre encore c'est le choix de voir le beau et le positif plutôt que le négatif et encore pour une autre  c'est être capable de reconnaître le malheur qui aide à trouver le bonheur. Certains pensent le bonheur inaccessible et d'autre croit au contraire que tous et toutes ont accès au bonheur.

Un échange riche et porteur de réflexions à poursuivre. Mais surtout un échange qui ouvre des pistes au bonheur. Je reprends ici les mots de ma fille Nathalie qui exprimait ainsi ce bel échange: " La grande tribu assise autour du feu et le patriarche qui demande " Qu'elle est votre définition du bonheur?". La belle peanut qui parle des moments de famille comme étant sa source de bonheur malgré trouver difficile l'arrivée de ses petites soeurs; fiston qui exprime que parfois l'on cherche le bonheur dans les choses éphémères ou trop loin; en toute transparence il est avoué que le bonheur est parfois difficile à voir, à trouver...On réfléchi et renchéri sur les propos d'un et l'autre...MOMENTS MAGIQUES, ÉCHANGES RESSOURÇANTS...PUR BONHEUR !
  • Toi et le bonheur ça dit quoi ?
 Oh tu sais un jour une psychologue m'a dit "vous ne serai jamais heureux, le bonheur ce n'est pas pour vous." Et pendant longtemps je l'ai cru. Mais aujourd'hui je rejette cette affirmation. Tout le monde a le droit au bonheur, ou je devrais dire plutôt le bonheur est accessible à tout le monde, mais ce n'est pas tout le monde qui le trouve facilement. Aujourd'hui, je lisais sur un chandail l'affirmation suivante à laquelle je souscris pleinement: "Le bonheur n'est pas au bout du chemin, il est le chemin." Mais ceci étant dit, comment vivre le chemin en étant heureux, ou comment trouver le bonheur sur le chemin de sa vie surtout quand ce chemin est piégé d'embûche de tous genres. C'est là que notre discussion autour du feu apporte des éléments de réflexions et des pistes pratiques.  On a tous lu sur Facebook cette anecdote du vieillard qui visite ce qui sera sa future et dernière résidence. À l'infirmière qui se prépare à lui faire faire la visite il affirme avant même de commencer. "C'est très beau ici, je vais bien m'y sentir." L'infirmière surprise lui dit "Mais vous ne l'avez pas encore vue." Il lui répond qu'avant de quitter chez lui pour la visite il avait déjà décidé qu'il aimerait la résidence et qu'il s'y sentirait bien. Pour moi cela ressemble beaucoup à la meilleure manière d'être heureux. C'est à dire de la décider.
  • Pour toi c'est facile de le décider ?
Aussi plate et cliché que cela puisse sembler c'est de plus en plus facile depuis l'arrivée d'ARNOLD. Chaque jour je décide de retenir ce qui est le meilleur de ma journée. Pendant quelques années dans un passé lointain j'ai tenu un journal de gratitude qui m'aidait et consigner cinq éléments de ma journée pour lesquels j'étais reconnaissants. Aujourd'hui j'ai l'impression que chaque heure de ma journée me donne des raisons d'être reconnaissants. Pour moi, le bonheur est constitué de reconnaissance, de gratitude et de liberté - la liberté de choisir d'être heureux.  Je choisis de reconnaître les moments lumineux de ma journée, je choisis de repousser le plus possible les "influences négatives" qui peuvent être si toxiques, je choisis de goûter le bonheur du quotidien, le "petit bonheur" et non "l'état de satisfaction complète et durable tel que décrit dans le dictionnaire.
  • As tu l'impression d'avoir trouvé le bonheur ?
J'ai l'impression d'avoir trouvé ma façon d'être heureux. Le bonheur n'est pas un but à trouver mais un chemin à vivre. Il est triste que pour moi ARNOLD fut le catalyseur qui m'a aidé à en prendre pleinement la mesure. Et évidemment il n'est pas nécessaire d'avoir un cancer pour trouver le chemin du bonheur, mais dans mon cas je suis heureux qu'ARNOLD m'ait au moins fait ce cadeau là. Car dans ma vie une des personnes les plus significatives pour moi n'avait pas le bonheur facile. Elle m'a légué je pense cette difficulté, mais je suis certain qu'elle m'aide aujourd'hui au quotidien à faire face à ARNOLD et à vivre heureux.

MERCI LA VIE !

samedi 8 juillet 2017

ENTRÉE CCCXVI(316) - AMBIGUITÉ

ENTRÉE CCCXVI
08-07-2017
AMBIGUITÉ

  • Qu'est ce qui est ambigu?
Mes réactions à certains changements auxquels je fais face actuellement. D'abord ma réaction au nouveau traitement de chimio. Le traitement s'appelle le  PANITUMUMAB (VECTIBIX) on dirait une région de l'INDE ou, comme me disait une amie, le nom latin d'une plante quelconque. (Le panitumumab appartient à un groupe de médicaments appelés antinéoplasiques ou médicaments anticancéreux. Il s'utilise seul quand il s'agit de traiter une certaine forme de cancer colorectal qui s'est propagé à d'autres parties du corps (un cancer colorectal métastatique) et qui n'a pas répondu à d'autres médicaments anticancéreux spécifiques. Le panitumumab est un anticorps monoclonal qui reconnaît certaines cellules cancéreuses et s'y attache. Cette action peut prévenir la croissance et la division des cellules cancéreuses.) Je le reçois présentement en une heure, mais se donnera en trente minutes si je n'ai pas d'effets secondaires durant le traitement. Ce que j'ai eu lors du premier traitement, soit  une toux inopportune et persistante dans le dernier 10 minutes du traitement. Quelques antihistaminiques ont réglés le problème au traitement suivant.
  • Donc l’ambiguïté est ?
 Je suis heureux, d'un côté,  de voir, que je n'ai presque plus d'effets secondaires suite au traitement de "chimio" (apparemment ce n'est pas tout à fait juste d'appeler cela de la chimio). J'avoue que comparer aux deux autres traitements que je recevais c'est beaucoup mieux. Quelques étourdissements et la fameuse fatigue, mais sans plus. Quelques boutons ont commencés à me sortir au visage et ma peau est assez sensible au soleil. Mais finalement en faisant attention de me reposer et ne pas laisser mon surplus d'énergie me jouer des tours, je m'en sors assez bien. Le jour même du traitement je suis très fatigué, mais sans plus, sûrement le résultat de l'anxiété et du temps assez long que prends tout ces processus. Se rendre à Sacré coeur 35-45 minutes, temps d'attente entre 45 et 60 minutes, durée du traitement avec temps de préparation 75 minutes et retour à la maison 45-60 minutes (trafic). Il faut compter un bon trois à quatre heures. 
  • Et de l'autre côté ?
Tu me devances, impatient ! De l'autre côté,  le fait d'avoir si peu d'effets secondaires me dit que le traitement est moins toxique donc moins efficace auprès d'ARNOLD. Le commentaire de l'infirmier lors du premier traitement en dit long. " On est rendu là.' Faut dire que c'est ma troisième ligne de traitement depuis l'arrivée d'ARNOLD.  Évidemment j'ai vérifié cette impression auprès de l'oncologue qui me confirme qu'en effet ce traitement agit différemment des autres et a une efficacité amoindri. On est plutôt dans l'entretien avec une espérance de prolongation. Elle a ajouté, à ma demande,  que la durée d'efficacité du traitement, dans son expérience, ne dépasse pas six mois. Donc d'un côté, heureux de ne pas être sur le dos pendant la semaine suivant le traitement, mais d'un autre côté conscient que le cancer progresse. 
  • Ouin qu'adviendra-t-il après le six mois?
Si je suis chanceux je serais éligible pour un essai clinique. Si je suis doublement chanceux cet essai clinique sera efficace et me donnera encore du temps. Sinon le cancer progressera à sa finalité, peut être un autre six mois ou moins, ou plus qui sait. 
  • Je comprends ton ambiguïté alors. Tu disais que tu faisais face à certains changements qui te causaient de l’ambiguïté... donc il y en a d'autres ?
Oui je change d'hôpital. De Sacré-Coeur où je subis mes traitements depuis plus d'un an et demie, je suis transféré au nouveau Centre de cancérologie de St-Eustache, à deux pas de la maison. D'un côté fort heureux d'être dans du neuf et aussi près de la maison, je coupe mon temps de voyagement de beaucoup, je peux même marcher en quelques minutes. En plus ils n'exigent pas ma présence trente minutes d'avance. D'un autre côté, je quitte l'équipe qui me soigne depuis l'arrivée d'ARNOLD et débute avec une nouvelle équipe avec moins d'expérience. Cela me laisse un peu déstabilisé et sur le qui vive, moi qui est hyper-vigilant sur mes traitements et les erreurs possibles. Comme m'a dit ma nouvelle infirmière au téléphone alors que je lui répétais la liste des rendez-vous qu'elle venait de me donner: "Vous êtes allumés vous." Oui m'dame je suis allumé et déjà j'ai commencé à les mettre au pas en lui disant que je passerais pas une journée complète à l'hôpital en rendez-vous. "Pas moyen de synchronisé tout cela" lui dis-je. " Je ne suis pas à mon premier traitement vous savez." Les négociations ont donc commencé. hahaha.
  • Et finalement ?
Vraiment impatient cette nuit ? 
  • J'aimerais que tu puisses te recoucher un peu avant que Nycole se lève"
Bon d'accord, je termine en nommant une autre ambiguïté, peux conscientisée encore, mais tout de même là. J'aime le fait d'avoir plus d'énergie, de me sentir plus fort, plus présent, moins dans le brouillard. Libre de ces contraintes assommantes. Malgré que je doive dormir les après-midi généralement,  je suis capable de faire un peu plus d'activités en avant midi et d'avoir l'impression que je suis là, en fait que je suis tout cours. Je me retrouve d'une certaine façon. Cela me donne encore plus le goût de vivre. Mais le temps file ! C'est comme si la première fois que tu fais l"amour tu apprends que ce sera la dernière fois (j'avais le choix entre une analogie sexuelle ou alimentaire). C'est moche non ? Ce n'est pas la première fois que tu vis, direz-vous ? C'est vrai, mais dans ce contexte c'est tout comme. C'est re-vivre. Voilà j'arrête là en disant haut et fort MERCI LA VIE !